Sommes-nous politiquement mûrs ?

Il s’entend dire, ici et là, que le Béninois est politiquement mûr. Sur quoi se fonde-t-on pour émettre un tel point de vue ? Et pourquoi s’autorise-t-on d’être aussi catégorique, d’être aussi péremptoire ? Dispose-t-on d’un argumentaire convaincant pour soutenir une telle idée et la défendre avec esprit de suite ?

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Nous prenons notre part à ce débat. Nous livrons à l’appréciation de chacun et de tous un certain nombre de données marquantes de la vie politique nationale. Ceci sur une période de vingt-cinq ans. De 1990 à 2015, de la Conférences des forces vives à ce jour, dans le cadre de l’expérience politique en cours, sous le label du Renouveau démocratique.

Nos acquis, dans cet espace de temps, sont nombreux et incontestables. Une Constitution, depuis le 11 décembre 1990, date de son adoption par référendum, reste et demeure la base référentielle et la pierre d’angle de notre vie sociopolitique. Le pouvoir d’Etat se structure autour d’institutions, chacune à sa place, chacune dans son rôle.

Des élections, à divers niveaux et à date échue, aident à renouveler et à réguler notre système de représentation. Lequel est ainsi constamment drainé et sainement irrigué. Ce qui donne de franches garanties d’alternance démocratique. Les hommes se succèdent au pouvoir. Un mandat en appelle un autre. La République demeure, rythmée par l’action des partis politiques qui se créent à foison, animée par des organes de presse qui se mettent en place à la pelle. Sans oublier l’action parfois débridée d’une frange de l’opinion publique qui choisit de réfléchir à haute voix avec les grogneurs. Ne parlons pas des technologies de l’information et de la communication qui ont ouvert des autoroutes aux réseaux sociaux. Ils vont aussi vite, sinon plus vite que l’éclair.

Il est à noter le pacifisme exemplaire des Béninois. Ils ont   toujours su raison garder. En plus d’une occasion, ils ont refusé de franchir le Rubicon et de jeter leur pays dans l’incertitude des lendemains hypothétiques. En vingt-cinq ans de vie démocratique, les Béninois en ont vu de toutes les couleurs. Ils ont ainsi capitalisé une expérience certaine des êtres et des choses. Enfin, la démocratie béninoise, vue de l’étranger, semble être toujours créditée d’un bon point, en hommage au pays qui fut et qui reste dans l’esprit de tous « le berceau des conférences nationales » en Afrique.

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Ce Bénin, côté jardin, cache à peine un autre Bénin, le Bénin côté cour, à voir et à apprécier comme l’envers de la médaille. Il s’agit, tout d’abord, du Bénin qui a mal à ses ressources humaines. A travers un système éducatif embourbé. Il déforme plus qu’il ne forme, livrant sur le marché du travail des bras cassés et des têtes en l’air.  A travers une paupérisation qui ne cesse de monter en puissance. Elle clochardise les hommes ainsi fragilisés face à l’argent, ainsi affaiblis face à l’appât du gain facile. A travers une culture politique encore au niveau le plus bas, à cause de la démission des partis politiques, qui, souvent et pour la plupart, n’en sont point. L’espace politique n’a besoin ni de clubs électoraux ni de groupements d’intérêts économiques (GIE). L’espace politique attend d’être animé par l’action des groupes structurés, porteurs d’une vision et d’un projet de société, tous dévoués au combat sain de conquérir et de conserver le pouvoir d’Etat.

Que dire des valeurs éthiques et morales qui foutent le camp ? Elles ne gouvernent plus nos diverses élaborations. Ne parlons pas de la fraude, en matière électorale notamment, devenue la ligne droite de la politique, c’est-à-dire le plus court chemin pour accéder au pouvoir. La corruption bat son plein et les corrompus et les corrupteurs sont à la fête, étalant insolemment au soleil les fruits de leur rapine. Insoutenable spectacle qui a fini par émousser la capacité d’indignation et de protestation des populations. Un pays semble se retirer, sur la pointe des pieds, de la scène de sa propre vie, se livrant en aveugle, pour parodier Racine, au destin qui l’entraîne.

Que reste-il de ce paysage désolé ? La piètre philosophie de la débrouille au quotidien, qui fait allègrement sacrifier demain sur l’autel d’aujourd’hui. Ceci en termes de « So tcha, du tcha ». On n’inscrit plus rien dans la durée. On n’approfondit plus rien. On ne pèse plus sur rien.

Rapprochez ces différents éléments d’analyse. Additionnez-les. Mélangez-les. Faîtes-en la balance. Au vu du résultat obtenu, que chacun, en conscience, se prononce. Peut-on dire que le Béninois, aujourd’hui, est politiquement mûr ? C’était notre question. La réponse vous appartient

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