Yayi brandit le Mca pour camoufler ses 10 ans d’échec

De retour de Washington où il a signé  mercredi 09 septembre le 2è compact du Mcc, Boni Yayi s’est offert un bain de foule inoubliable à l’aéroport de Cotonou hier. La machine de propagande du pouvoir avait mobilisé pour son accueil des milliers de jeunes, de femmes, de militants politiques et d’artistes.

Tous conditionnés pour dire « merci » au Chef de l’Etat dont le leadership a sauvé le Bénin. Et pourtant sous cet exploit tant célébré se cache une décennie calamiteuse de pouvoir.

Le 22 février 2006, le président Mathieu Kérékou signait à Washington pour le Bénin le premier compact du programme Millenium challenge account (Mca). Un exploit inouï pour un pays francophone d’Afrique que certains médias internationaux et mêmes locaux donnaient pour corrompu et peu crédible. Revenu au pays deux jours plus tard, Kérékou atterrit dans la discrétion à l’aéroport de Cadjêhoun, reçoit un accueil sobre et rentre dans sa résidence des filaos. C’en est fini ainsi pour la propagande autour du Mca1. Seuls les médias nationaux et quelques férus du régime se sont offerts un petit bonus en plus autour. Au sein du gouvernement, le reste du travail est confié aux ministres compétents et aux cadres pour les procédures de décaissement des premiers acomptes. Un peu moins de dix ans après, dans le même rôle, Boni Yayi y a trouvé une grosse opportunité de rehausser sa propre image et de se racheter auprès de ses concitoyens. Des jours avant sa descente à l’aéroport de Cadjêhoun, l’Ortb a appelé à la mobilisation de tous les Béninois pour aller accueillir le Chef de l’Etat qui a réussi l’exploit de nous ramener le second compact. Chose pas évidente dans ce pays où le dernier cas de prévarication qui remonte à quelques mois seulement est encore vivace dans les mémoires. Deux opérateurs économiques en complicité avec des cadres du ministère de l’énergie ont réussi à détourner près de 3 milliards destinés à financer des ouvrages d’adduction d’eau potable. Les Hollandais qui ont accordé le financement avaient fait beaucoup de tapage autour pour faire connaître leurs mécontentements. Il y avait donc à craindre que les Américains puissent en tenir compte pour évincer à nouveau le Bénin. Evidement, la corruption était la raison du non renouvellement du programme pour le Bénin depuis 2013. Le Bénin avait obtenu une faible note pour ses efforts de lutte contre la corruption. Puis après, le gouvernement s’est démerdé pour faire voter la loi sur la corruption et pour mettre en place l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (Anlc). Ces deux évènements majeurs ont permis au Bénin d’améliorer sa note et d’être à nouveau éligible. En dehors du gouvernement et de son chef, les députés, les acteurs de l’appareil judiciaire et de la société et les citoyens y ont joué leurs partitions. Il ne s’agit pas donc des résultats des seuls efforts de Boni Yayi. Le 22 février 2006, Mathieu Kérékou avait reconnu dans son discours les efforts de toutes les composantes de la société béninoise. Hier, tout vise à louanger Boni Yayi dont le leadership a sauvé le Bénin. C’est ce qu’expriment les nombreuses banderoles et les messages inscrits sur les tee-shirts des milliers de jeunes et de femmes venus l’accueillir à l’aéroport.

Et pourtant !

Il est bien curieux de voir le Chef de l’Etat premier fossoyeur du Mca aujourd’hui dans la posture du sauveur du Mca. En vérité le premier compact n’a fonctionné que pendant les trois premières années. En 2009, le Chef de l’Etat obsédé par un second mandat s’en est pris au coordonnateur du programme Simon Pierre Adovèlandé à qui il reprochait de s’en servir pour briguer la magistrature suprême. Très vindicatif, Boni Yayi avait fini par avoir sa peau en décembre 2009 en le faisant arrêter pour une obscure affaire de « Beethsaleem Building », un vieux projet de construction de logements sociaux à Abomey-Calavi dont Adovèlandé fut à un moment le patron. La mise en exécution des activités du programme a commencé à piétiner et les décaissements n’ont plus suivi le planning pré établi. La preuve sur les huit tribunaux prévus pour être construits, seuls ont pu être construits. Une bonne partie du fonds n’a pu être jamais consommée par le Bénin. En outre, Boni Yayi n’a jamais réussi quelque exploit personnel dans la lutte contre la corruption. En dehors des vieux pieux des discours officiels et de quelques arrestations « politiques » de prétendus corrompus, il a promu et protégé beaucoup de délinquants aux colles blancs. C’est normal de l’entendre faire son aveu d’échec en parlant d’un « Béninois de type nouveau dans un Bénin nouveau ». Il suffit d’avoir l’immunité Fcbe pour être exempt de toute punition. Les cas Garba Yaya, Auguste Ali Yérima, Barthélemy Kassa(son dernier meeting de soutien à Yayi remonte à une semaine), Aristide de Souza, Toleba… en sont quelques exemples. Dans un tel contexte,  Boni Yayi devrait avoir le profil un peu bas en se vantant d’être le sauveur du Mca. Il ne pourra pas se cacher derrière cet exploit isolé et collégial pour s’absoudre de 10 ans de turpitude et de mauvaise gouvernance. Le faire, c’est vouloir tromper le peuple.

Laisser un commentaire