A moins de 40 dollars le baril de pétrole, le Bénin doit-il s’inquiéter ?

Avec la chute drastique des cours du baril de pétrole – de plus de 100 dollars américains à moins de 40 en l’espace de quelques mois seulement –  le Président Muhammadu Buhari du Nigéria décide de prendre le taureau par les cornes: il gère en personne le portefeuille des hydrocarbures.

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Au Bénin voisin, qui ne produit pas de pétrole, mais où la survie quotidienne de plusieurs centaines de milliers de citoyens dépend du commerce avec ce géant de 180 millions d’habitants, s’y est-on vraiment préparé? Les présidentiables ont-ils déjà un plan pour faire face à l’amenuisement inévitable des recettes fiscales au cours des trois ou quatre prochaines années, puisque forcément, les échanges entre les deux pays devront en souffrir?

Le Bénin effectue une grande partie de ses échanges commerciaux et monétaires avec le Nigéria, même si les statistiques officielles mentionnent rarement les données du secteur informel, et mettent davantage l’accent sur les relations économiques et financières formelles entre les pays membres de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine). C’est un secret de Polichinelle qu’une grande partie de ces échanges commerciaux et financiers se déroule en dehors de tout cadre règlementaire. Ainsi par exemple, des études réalisées en 2007-2008 par le Groupe Inter-Gouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), indiquent clairement que c’est l’équivalent de plusieurs milliards de F CFA qui changent de mains entre les deux pays chaque année, vu le faible taux de bancarisation dans la sous région ouest africaine, et vu la préférence des usagers pour l’argent en espèces. Quant aux frontières terresres poreuses, elles occasionnent diverses formes de contrebande face auxquelles les services du fisc et les services des douanes sont bien souvent impuissants.

Les exportations d’hydrocarbures représentent environ 90% des recettes en devises étrangères du Nigéria. Il y a à peine trois ans, l’ancienne Administration de l’ex-Président Goodluck Jonathan confectionnait le budget fédéral sur la base d’un baril de pétrole à plus de 70 dollars américains. Aujourd’hui, fini la période des vaches grasses, où l’argent du pétrole pouvait tout faire, et où on ne s’inquiétait pas outre mesure au Bénin voisin. Tant que les bateaux-cargos venus du monde entier venaient décharger leurs containers au Port Autonome de Cotonou, le ministère des Finances n’avait pas beaucoup de soucis à se faire quant aux rentrées fiscales. Les escortes des services douaniers n’arrêtaient pas, de jour comme de nuit, d’acheminer les véhicules usagés vers le grand voisin de l’Est, et les camions gros porteurs chargés de sacs de céréales, d’équipements électroménagers d’aoccasion, et de bien d’autres produits encore, poursuivaient ces ballets incessants. Mais il va falloir que le Bénin se rende à l’évidence et que le nouveau Président élu en avril 2016 comprenne que cela ne peut plus être ‘le business as usual’.  Surtout que certains analystes internationaux parlent d’un baril de pétrole à moins de 25 dollars au cours des deux ou trois prochaines années, au moment où les Etats Unis vont également exporter les hydrocarbures de leur sous-sol, contribuant ainsi au gonflement de l’offre.

C’est vrai que les bailleurs de fonds, à leur tête la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, soutiennent souvent le Bénin à travers un mécanisme connu sous l’expression ‘appui budgétaire’. Mais c’est une assistance destinée davantage à l’amélioration des politiques mises en oeuvre dans le secteur public, et également pour appuyer la compétitivité du secteur privé. Au plus, ce ne sont que des montants modestes de 15 à 20 milliards de F CFA, qui sont très loin de résorber le déficit chronique du budget national, année après année. Cet appui budgétaire sert aussi en partie à réduire la pauvreté, surtout en milieu rural. Mais le prochain Président élu ne peut espérer que la communauté des bailleurs de fonds vienne sortir le Bénin d’un déficit budgétaire qui va forcément se creuser davantage. A un moment où on ne sait plus très bien si la filière coton est encore rentable, ou si les anciennes filières comme le palmier à huile, le cacao, ou le manioc vont pouvoir être ressuscitées. Et pendant ce temps, la demande sociale d’une population estimée aujourd’huiu à 10 millions d’habitants, mais en croissance géométrique, deviendra assurément plus forte.

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