Affaire Guillaume Soro : Virage dangereux Paris-Abidjan

En marge de la Cop21 les 08 et 09 décembre 2015 à Bourget, un évènement important est à noter. C’est une brouille juridico-diplomatique entre Paris et Abidjan, un peu plus de 05ans après la chute du régime de Laurent Gbagbo.

Le 08 d’abord, par faute professionnelle ou intrigue sciemment orchestrée, une juge d’instruction du nom de Sabine Khéris délivre un mandat d’amener contre la deuxième autorité politique de la Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, le chef du parlement ivoirien, représentant officiel de son pays à la Cop 21. Pour cause, dit-on, des accusations de Michel Gbagbo, le fils de l’ancien Président Laurent Gbagbo, accablant Guillaume Soro d’auteur de séquestration, d’actes inhumains, de torture… Puis en moins de 24 heures, le mandat d’amener est levé, permettant au président de l’Assemblée nationale ivoirienne de rentrer sereinement dans son pays.

Des non-dits

Au 21ème siècle, le siècle de « tous les coups sont permis », cet incident ne saurait passer inaperçu. On assiste là à un premier choc entre alliés sur le terrain juridique avec en toile de fond, des calculs politico-diplomatiques sur l’avenir des relations entre Paris et Abidjan, maintenant qu’il faut préparer la succession de Alassane Ouattara après la guerre de 2010-2011 ayant conduit à la chute de Gbagbo père, l’autre casse-pied et torpilleur des intérêts français. En fait Guillaume Soro devient un pion difficile à déplacer dans ce qu’il faut appeler le « jeu d’échec Paris-Abidjan ». Celui-ci, dont les ambitions politiques à l’horizon 2020 ne sont plus à détailler, se voit déjà dans le fauteuil présidentiel après Alassane Ouattara. Mais, avec les affaires qui lui collent çà et là, il n’est forcément pas le meilleur choix que Paris ferait pour assurer une bonne relève pour ses intérêts non seulement en Côte d’Ivoire mais aussi dans la sous-région. Mis à part l’étiquette de chef de guerre, chef rebelle qui lui est collée à Abidjan, Guillaume Soro est accablé à Ouagadougou d’accusation de complicité dans le putsch des 16 et 17 septembre contre la transition dirigée par Michel Kafando après la chute de Blaise Compaoré qui, chassé par un soulèvement populaire à trouver refuge dans la capitale économique ivoirienne, sous la protection du régime Ouattara. Laisser prospérer des procédures judiciaires contre lui, depuis Paris, se trouve donc être une méthode pouvant affaiblir Soro pour le dissuader d’envisager de se rebeller au cas où il serait écarté par le schéma de succession à Ouattara.

Un virage difficile

Il est donc clair, Paris négocie un virage politico-diplomatique à Abidjan. Mais il ne sera pas facile de l’opérer sans écorchure ou égratignure dans le meilleur des cas. A contrario, le monde assisterait, cependant trop tôt, à des déballages les plus inouïs sur le jeu qui se joue à Abidjan. Déjà, le parlement ivoirien annonce les couleurs d’une résistance à Paris. A l’annonce de l’incident du mandat d’amener contre leur président, les députés ivoiriens réunis en session extraordinaire et urgente, ont désapprouvé une attitude ternissant l’image de l’institution et du pays que représentait Guillaume Soro au Bourget. Non dupe de ce qui se trame, Privat Oula, vice-président du parlement ivoirien a déclaré qu’il s’agit d’un « harcèlement », un acharnement contre Soro. Le gouvernement ivoirien a également, avec tact, déploré l’incident, rappelant Paris à l’ordre, au respect du droit. Est-ce assez pour empêcher un pourrissement catastrophique de la situation ? Affaire à suivre.

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