Bénin : Le voile se lève sur le coup d’Etat du 26 octobre 1972

Suite aux dernières déclarations du colonel Janvier Assogba dans notre journal du vendredi 11 décembre dernier sur le coup  d’Etat du 26 Octobre 1976, le colonel Philippe Akpo, un de ses collaborateurs directs du sous groupement d’appui de Ouidah a tenu à apporter quelques précisions et quelques nuances. Il en profite pour revenir sur les péripéties et les intrigues qui ont jalonné sa longue et riche carrière militaire et politique.

Publicité

On a souvent pensé et enseigné que l’histoire, ce sont les héros, les Seigneurs et les généraux qui la font. Il n’en est rien. Ce sont les masses qui font l’histoire. Cela veut dire que la situation objective de ces masses et l’action où les entraîne cette situation objective déclenche des évènements dont le processus est indépendant de la volonté isolée des individus. Saisir la marche de l’histoire, c’est connaitre les lois objectives qui régissent le développement de ces processus.

Il est donc utile de connaitre les grandes étapes de notre histoire et de dégager certains enseignements qui s’y rattachent. Le décès du Président Mathieu Kerekou a été pour notre rédaction, l’occasion de se rapprocher  du Colonel Janvier Assogba à son domicile sis à Djomèhountin, dans la banlieue de Cotonou. (cf. la Nouvelle Tribune n°3170 du vendredi 11 décembre 2015). Nous retenons des déclarations du Colonel Janvier Assogba, ce qui suit, s’agissant du coup d’Etat du 26 octobre 1972.

‘’Ce plan a été conçu par moi. Je n’ai consulté personne avant d’agir. Même Aïkpé, si mes souvenirs sont exacts, m’a rejoint quelques  heures avant le coup. Quant à Michel Alladaye, il n’a eu aucune  implication dans ce coup. Janvier Assogba nie également toute responsabilité du Général Mathieu Kérékou, même s’il reconnait qu’il est allé le voir pour lui parler de la situation et lui demander d’agir.

S’agissant des détails organisationnels du coup, le Colonel Assogba dit réservé ces détails pour son mémoire. Il déclare être parti de Ouidah avec ses hommes, une vingtaine dont le Colonel Philippe Akpo et de prendre possession de la Présidence de la République, un exercice pas si banal que ça. Il dit que le secret de la réussite de ce coup d’Etat, c’est que personne n’en était informé. J’ai gardé le secret pour moi seul, jusqu’au dernier moment. Même mes hommes ne savaient pas ce jour qu’on allait renverser le pouvoir’’

Publicité

La Nouvelle Tribune voudrait mettre l’accent sur la récurrence du nom de Philippe Akpo, de la bouche même de Janvier Assogba. En ce qui concerne les hommages de Philippe Akpo, à la suite du décès du Général Mathieu Kérékou, il déclarait entre autres :

Citation

« En ce qui me concerne, je suis reconnaissant au Général qui m’a fait confiance 11 ans et quatre mois de suite, aux fonctions gouvernementales, avec quatre ans au Développement Rural et l’Action Coopérative, 28 mois à la Santé Publique et 5 ans aux Enseignements Maternel et de Base. Je garde en moi une grande amertume mêlée de frustration pour mes charges de Commissaire Politique de l’Atacora, que j’assumais cumulativement avec mes autres fonctions. En tant que Commissaire Politique, en effet, nous avons œuvré à la construction d’un pont de 73 m de long sur des colonnes de plus de vingt mètres de haut ; sur le Fleuve Mékrou à Kérou Commune Rurale. Depuis trente cinq que les travaux sont achevés, aucune mention n’a jamais été faite de cet ouvrage dans les mass médias. Or cette réalisation a permis de désenclaver les arrondissements de Firoud et de Kaobago, qui demeurent le grenier nourricier de l’Atacora. (cf. La Nouvelle Tribune n°3136 du vendredi 23 octobre 2015). Voilà donc un acteur majeur du développement Socioéconomique depuis le 5 octobre 1972.

Qu’est ce qui justifie alors cette grande amertume mêlée de frustrations ?

C’est pour comprendre cette situation que la rédaction de la Nouvelle Tribune s’est approchée du colonel Philippe Akpo pour avoir la version des faits. Suivez plutôt.

‘’Je suis en réalité Lieutenant-colonel. Mais la convenance, dans les forces  armées désigne le Lieutenant-colonel du même nom que le Colonel.  En réalité, le Lieutenant Colonel n’a pas les mêmes attributs que le Colonel, tant pour l’avancement que dans les traitements. Le grand tort de l’officier Akpo fut d’avoir été du cercle restreint du mouvement révolutionnaire du 26 octobre 1972. De ce fait, il a été de toutes les structures de la Révolution jusqu’aux hautes charges ministérielles. Il était donc le mal aimé et le bouc émissaire de tous les officiers supérieurs et discriminé partout et en tout. Il était en effet difficile à ces officiers supérieurs d’accepter ce Lieutenant qui s’imposait presque à tous, certains étaient de bonne foi mais pour la majorité c’était de véritables révolutionnaires qui refusaient de s’adapter aux conditions nouvelles de la révolution. Toutes les occasions étaient alors bonnes pour ‘’charger’’ ce patriote auprès du Président Kérékou, en le faisant passer pour un fanfaron irrespectueux des chefs. Mais le Président Kérékou qui n’était pas de cet avis sur le personnage pensait en toute bonne foi, que la seule manière de protéger Philippe Akpo était de ne rien faire pour ‘’particulariser’’ ce camarade, qui s’acquittait brillamment de ses responsabilités à tous les  niveaux.

A ce jour, il est loisible de  procéder à un bilan comparatif de la contribution de l’officier Akpo au développement socioéconomique de la nation, avec chacun des officiers de nos Forces Armées. N’oubliez surtout pas que nous sommes au pays du Vôdoun où tout est mis en œuvre pour vous nuire. Ainsi pour tous les officiers ayant été emprisonnés à la suite du coup d’État manqué des 21,22 et 23 janvier 1975, de même que pour leurs familles, Akpo Philippe était devenu la cause de leur infortune  et par conséquent, l’homme à abattre. Tout avait été mis en œuvre pour sortir ces officiers de prison et de les élevés au grade de colonel, même ceux qui n’avaient pas atteint les 10 ans de service.

Cette stratégie mise en œuvre par le pouvoir se comprend, dans la mesure où leur incarcération constituait un ‘’os’’ dans la gorge du Président Kérékou.

A cet égard, il faut rappeler que le Capitaine Janvier Assogba, au terme de ses échanges avec le commandant Kérékou sur la situation politique qui prévalait dans le pays et pour laquelle Kérékou avait demandé à Assogba Janvier d’agir. Ce dernier avait réagi en engageant la responsabilité de tout le Sous-groupement d’Appui de Ouidah en ces termes :

‘’Le sous-groupement d’appui ne saurait prendre part à une quelconque action contre le conseil présidentiel qu’à la condition que, en cas de victoire, la direction des affaires soit conduite par vous, Mathieu Kérékou’’ (par opposition au colonel Alphonse Alley, initiateur de la rencontre Kérékou-Assogba)

Le paradoxe

Moins de quatre années après le déclenchement du mouvement du 26 octobre 1972, Janvier Assogba, au travers de l’affaire Kovacks fut celui qui décida d’organiser un coup d’état contre Mathieu Kérékou.

Le dessein divin fit de l’officier Philippe Akpo, l’artisan majeur de l’échec de ce coup d’état, pour le bonheur de notre pays et de notre peuple. Mais plutôt que d’élever Philippe Akpo au rang des dignes fils patriotes, cette réussite fut confusément attribuée aux éléments conscients et patriotes de nos Forces Armées, de manière réductrice et impersonnelle.

C’est ainsi qu’il faut comprendre l’embarras du président Kérékou de devoir jeter en prison, ses partenaires du Sous-groupement d’Appui de Ouidah, à commencer par janvier Assogba, grâce à qui il avait accédé au pouvoir d’Etat.

En conclusion, le choix du président Mathieu Kerekou de se réconcilier avec les putschistes  avait été d’une stratégie militaire et politique cinique et partisan, au détriment de Philippe Akpo. C’est donc très conscient de l’enjeu et convaincu que je n’aurais droit à aucune erreur, aucun faux pas, qui me ferait ‘’enterrer vivant’’ par la révolution que, grâce au Dieu tout Puissant, chacun de mes pas fût guidé par l’Esprit Saint.

Le temps est enfin arrivé pour dissiper les ténèbres par l’éclat lumineux de la vérité.

Vous êtes des journalistes d’investigation et je joue votre perspicacité dans la quête de la vérité. Vous rendez un grand service à nos historiens et aux générations contemporaines et futures, pour la compréhension de notre histoire.

Il revient aux responsables actuels de nos Forces Armées et de la nation de faire triompher notre devise à savoir : Fraternité-Justice-Travail dans le respect de chacun, dans sa personne et dans ses droits

Philippe Akpo, colonel à la retraite

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité