De l’espoir dans un champ de désordre

Certains y ont déjà perdu leur latin. D’autres ont déjà donné leur langue au chat. Tant paraît complexe la situation sociopolitique de notre pays, à cette avant-veille d’une élection annoncée comme cruciale. Nous sommes en plein désordre.

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Avec une kyrielle de candidats. Nous sommes en pleine cacophonie. Avec mille et un discours. Nous macerons dans les eaux sales d’un marigot. Avec le concert assourdissant d’un chœur de batraciens joyeux.

Dans ce bazar du diable où Dieu reconnaîtra les siens, nous avons capté trois petits propos porteurs de trois grosses vérités. Il ne faut point s’en étonner : les orpailleurs, c’est-à-dire les chercheurs d’or, avant qu’ils ne récoltent quelques pépites d’or, doivent se résoudre à remuer des tonnes de boue.

Première vérité : l’institution présidentielle est à réformer dans le sens d’un meilleur équilibre des pouvoirs. Cette institution, telle que conçue par le législateur, telle que mise en musique par celui qui l’incarne, reste comme un nœud de vipères dans les mains de la République. Le Chef, chez nous, est tout à la fois Président de la République, Chef de l’Etat et Chef du gouvernement. C’est Jupiter en son Olympe. C’est le pharaon en son palais. Il a pouvoir de nommer le Président de la Cour constitutionnelle, le Président de la Cour suprême, le Médiateur de la République. Il est, par ailleurs, le Chef suprême des Armées. Il préside le Conseil supérieur de la magistrature. Tant de pouvoirs dans les mains d’un seul consacrent un homme fort. Ce qui vide les institutions de toute leur substance, sinon de toutes leurs forces. Face à quoi, une réforme diligente de   l’institution présidentielle s’impose. Elle est à inscrire au rang d’une priorité. Ne la jetons pas aux oubliettes.

Deuxième vérité : le financement public des partis politiques est de l’ordre d’une nécessité. Il y va de la bonne santé de notre démocratie. C’est le sens du progrès. C’est la voie de l’avenir.  Pourquoi ? Sans un financement public des partis politiques, l’activité politique se réduit à un jeu de marionnettes articulées : vaines gesticulations des chefs rythmées par les vivats d’une meute de mendiants et de courtisans. Ce n’est insulter personne que d’assimiler, dans ces conditions, la plupart de nos partis politiques à des coquilles vides. Constat de carence : la vie politique n’est pas animée, la culture politique est faible, une opinion publique informée tarde à se mettre en place, les partis sont sans ressources, réduits, sur le plan financier, au triste destin de majeurs incapables. Ils sont, en effet, tenus en laisse par des opérateurs économiques et s’obligent à manger à tous les râteliers.

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Mais ne soyons pas naïfs. Prenons garde de crier trop tôt « Eureka ». Le financement public des partis politiques nous soulagerait de bien de maux sans nous guérir pour autant de tous nos maux. Dans certains pays et malgré un tel financement, des partis continuent de courir après d’obscures valises d’argent. On a pu même parler de financement des élections en Europe par certains chefs d’Etat africains. Comme si l’argent ne cessait de nous jouer des tours : ceux qui n’en ont pas en cherchent. Ceux qui en ont en recherchent.

Troisième vérité : le redimensionnement intelligent de notre multipartisme foisonnant. 100 à 200 partis, pour un petit pays de 10 millions d’âmes comme le Bénin, c’est trop et c’est malsain. La redoutable maladie appelée le cancer n’est que la prolifération anormale et anarchique des cellules. Comme quoi, l’abondance ne fait pas que du bien. Elle peut tuer. On ne saurait invoquer la liberté pour légitimer la pagaille et l’anarchie. Le financement public des partis est déjà une première bonne réponse à cette prolifération. Restera à user des voies du droit pour remettre le pays à l’endroit. Un travail législatif est à faire. Des seuils sont à déterminer. Nous sortirons ainsi de la jungle des partis politiques, délimitant enfin l’espace d’un échiquier politique sain, visible et lisible.

Voilà trois signes d’espoir et d’ordre dans ce qui apparait, de prime abord,   comme un champ de désordre. Les plus belles fleurs ne poussent-elles pas sur du fumier ? L’orpailleur ne trouve-t-il pas ses pépites d’or dans les profondeurs de la boue ? Le chercheur de vérité doit aller partout où besoin sera. Il faut croire en la sagesse des nations : « Dans cette vie, dit-elle, rien ni personne n’a jamais totalement tort, car même une horloge arrêtée donne deux fois l’heure exacte par jour »

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