Nicephore Soglo : Une voix qui crie dans le désert

Beaucoup de mes compatriotes se demandent si à 81 ans, il est raisonnable que Nicéphore Dieudonné Soglo pontifie encore sur l’actualité politique nationale. Je vais m’envelopper dans un manteau de suffisance et de prétention pour répondre que les sorties de notre premier Président de la République de l’ère du Renouveau démocratique sont a priori toujours les bienvenues.

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Celle qu’il a faite le jeudi 26 novembre 2015 en recevant le Premier Ministre et candidat à la présidentiable de 2016 Lionel Zinsou est d’une tenue impeccable. Seulement, qui connaît Nicéphore Soglo peut deviner qu’il n’en restera pas là. Il est certes à un âge canonique (octogénaire) et dans la culture adja-fon, est assimilé à un « « vodou ». Or, chez nous, le vodou ou celui qui en est le prêtre, n’est qualifié que pour bénir. Aussi aucun dignitaire traditionnel s’il a une once d’authenticité, n’a-t-il jamais eu l’outrecuidance de vouer ouvertement aux gémonies l’un des nombreux candidats d’une élection présidentielle. « Tchégnidè » dirions-nous. « Nicéphore Soglo crucifie Lionel Zinsou » écrit le Matinal du mercredi 9 décembre ! Les crucifixeurs ne sont jamais en odeur de sainteté chez le catholique pratiquant que je suis. Mais Nicéphore Soglo tempête qu’il n’a jamais tenu les propos que les journalistes lui prêtent. Comme «Tant que je serai vivant, Lionel zinsou ne sera jamais Président de la République » ! Apparemment, voilà le summum de la prétention, de l’arrogance et de la suffisance ; mais c’est une boutade fréquente chez ce littéraire ; en tant que son ancien porte-parole, je me désole souvent de ces esbroufes. Tout le monde aurait préféré en effet qu’il se cantonne au rôle d’un ancien Président de la République. Partout un ancien Président de la République est un sage ; en France, il fait systématiquement partie du Conseil Constitutionnel. Seul Nicolas Sarkozy ne se résout pas à être un ancien Président de la République donc tenu de respecter la règle non écrite de non critique du Président de la République ou du Premier ministre en exercice. Avant lui, ni Valéry Giscard d’Estaing, ni Jacques Chirac, ne l’a jamais fait. En vérité, Nicéphore Dieudonné Soglo avait d’abord prodigué à Lionel Zinsou des paroles d’un sage, d’un ancien Président de la République. Dans le cas d’espèce, il n’a guère violé la règle de neutralité bienveillante qui devrait être la sienne. Il n’a rien dit qui soit objectivement une contrevérité :

– Lionel Zinsou n’est pas ipso facto un cheval de Troie de la France parce qu’il est un Franco-Béninois ;

– Il n’est pas un « Blanc » même si nous l’appelons « yovo » par dérision ; puisqu’en France, il est sans conteste un Noir, comme barack Obama est un Black aux Etats-Unis ;

– Il n’y a pas une méfiance épidermique à avoir à son égard : il n’est pas un allogène. Nous devons nous garder de réagir à l’épiderme comme certains Européens.

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Malheureusement, tous nos journaux relatant l’interview l’ont interprétée comme un soi-disant soutien politique de Nicéphore Dieudonné Soglo à Lionel Zinsou ! On n’imagine tous les micmacs et toutes les pressions tant intrafamiliales qu’extérieures pour que le lundi 7 décembre nous revienne le Nicéphore Soglo fondamental. Alors qu’il n’était invité que comme un ancien Président de la république donc un sage, il a fait une sortie peu heureuse en écorchant le Général Mathieu Kérékou comme imposé par la France, de même que la France-Afrique s’apprête à nous imposer également Lionel Zinsou ! Eh oui ! Dans le contexte où il se trouve actuellement, il lui arrive de ne pas se contenter d’être seulement un ancien Président de la République. Il est aussi et toujours Président d’honneur actif du parti La Renaissance du Bénin ; il n’est donc pas à l’abri de motivations politiques partisanes. Nous connaissons son éternelle tirade contre la France-Afrique et ses suppôts locaux. Or, ce n’est pas parce que Lionel ZInsou est un métis ou un binational qu’il serait plus un suppôt de la France-Afrique que certains de nos chefs d’Etat. D’ailleurs, Nicéphore Dieudonné Soglo a attribué ce qualificatif à presque tous les hommes politiques de chez nous ; mais il sait bien que ce n’est pas du fait d’être Franco-Béninois (qu’il est lui-même), ni d’être un métis que Lionel Zinsou serait ipso facto un envoyé de la France-Afrique et systématiquement plus défenseur des intérêts de la France qu’un Béninois uninational, aussi noir que le charbon. Le spectacle que nous offre actuellement notre classe politique est peu reluisant : on suscite « faute de mieux » la candidature du citoyen Tartempion sans que celui-ci n’ait jamais ouvert la bouche ! Gardons-nous d’exploiter à des fins partisanes les bas instincts, les peurs brutes des masses populaires, surtout vis-à-vis du Yovo. N’oublions pas que le compagnon le plus fidèle de Justin Ahomadégbé-Tomêtin, notre premier Sénateur et le premier maire de Ouidah s’appelait Emile Poisson, qu’en 1951 le colistier de Sourou Migan Apithy dont l’épouse était par ailleurs une métisse, s’appelait Edouard Dunglas, que le bras droit du Président Maga, second sur sa liste aux mêmes élections législatives de 1951, était le métis René Déroux qu’il faisait ministre de la santé dans tous ses gouvernements! l faut stigmatiser l’ethnocentrisme et le racisme avec détermination et la plus grande énergie. Sursum corda !

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur associé à l’UAC

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