Présidentielle 2016 : La classe politique aux enchères

Le chemin est si proche qui mène à la présidence de la République, le palais de la Marina. Le Bénin s’apprête à se donner un nouveau Président, le 4ème post-Conférence nationale, moment marqueur de la démocratie béninoise.

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Mais pourquoi diable à moins de 3 mois du 1er tour de l’élection majeure de notre système démocratique, l’élection présidentielle, les partis politiques et leurs chefs-fondateurs prenant refuge dans un silence assourdissant et inimaginable, laissent les Béninois désemparés ? Pourquoi diable ces chefs-fondateurs par ce silence croient pouvoir frapper d’amnésie les Béninois qui alors finiraient par oublier leur obligation d’animer la vie politique et de conquérir le pouvoir ? Pourquoi diable parce qu’empêchés pour certains par la Constitution de figurer sur la ligne de départ pour une nouvelle course présidentielle et d’autres par d’obscures raisons, ces chefs-fondateurs optent pour le suicide collectif de leurs partis politiques abandonnant le navire-Bénin au milieu du gué ?

La classe politique pourtant réhabilitée à la Conférence nationale, pourtant nourrie et engraissée par les délices du pouvoir, pourtant scandaleusement enrichie par la République au travers de différents raccourcis, se comporte aujourd’hui comme si elle n’était en rien redevable au peuple béninois. Sous les oripeaux du multipartisme intégral, les leaders politiques auto-proclamés pour la plupart, ont créé des partis politiques originellement frappés d’infirmité et programmés à une extinction certaine dès lors que s’effacent de la scène politique leurs chefs-fondateurs.

De par leur structuration, ces partis politiques à l’ère de la démocratie rappellent outrageusement le PCUS, le Parti Communiste de l’Union Soviétique. Au sommet, un homme inamovible, un chef-fondateur qui dispose seul de tous les droits, même ceux de vie et de mort du parti. En cela les chefs-fondateurs des partis politiques au Bénin ont dépassé le PCUS. Lui ne prenait pas de décision engageant le parti unique puis l’Etat sans s’appuyer sur le ‘’polit bureau’’. Dans les textes et modes de fonctionnement qu’ils prennent soin de rédiger, aucun espace n’est réservé à l’exercice démocratique interne. A la base, des adhérents et militants aveuglés, prêts à exécuter tout mot d’ordre pour peu qu’il soit dicté par le leader providentiel.

Aussi longtemps que la Constitution permettait aux chefs-fondateurs de se porter candidat tous les 5 ans à la mère des élections, l’élection présidentielle et se donner l’illusion d’exister sur la scène politique, leurs partis politiques pouvaient encore maintenir sous la cendre le feu qui y couvait. Mais en fait, quoi de plus normal en démocratie que de se résoudre au nécessaire renouvellement du personnel dans les partis politiques après un temps donné, nécessaire renouvellement à opérer à une période charnière où la transmission du témoin ne provoquerait ni cataclysme, ni schisme. Mais comment accepter librement passer le témoin quand les partis politiques constituent un incomparable raccourci à lever des fonds, surtout en pareille période de veille de scrutin présidentiel, des fonds affectés directement aux chefs-fondateurs pour leur enrichissement personnel.

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Il n’y a pas de fumée sans feu. Il y a bien longtemps que les confessions des uns et des autres donnaient la mesure de ce qui se négociait en termes de milliards de francs CFA sur le dos du peuple béninois et de sa démocratie, avant et dans l’entre-deux tours de chaque élection présidentielle. Pourquoi voulez-vous que ça change dès lors que la scène demeure la même, les acteurs les mêmes ? Ce à quoi les Béninois assistent résignés depuis quelques mois est constitutif de la récupération indue par des chefs-fondateurs de partis politiques du processus démocratique si douloureusement mis en marche aux assises du PLM Alédjo.

Ici comme ailleurs, l’élection présidentielle est la rencontre d’un homme ou d’une femme avec ses compatriotes. Sous cet angle, deux exemples offerts par deux hommes politiques du Sénégal en février 2012 et du Burkina-Faso en janvier-février 2014 interpellent au Bénin celles et ceux qui aspirent conquérir le pouvoir d’Etat.

Au Sénégal, après que l’opposition eut empêché la dévolution monarchique du pouvoir que le Président Abdoulaye Wade voulait instaurer, elle peinait à se trouver un candidat unique en son sein pour se donner toutes les chances de victoire. En ce moment précis, un homme, Macky Sall prit ses distances avec ses amis de l’opposition, crut en sa bonne étoile mais surtout fit campagne avec conviction et force de persuasion à travers tout le pays. A l’arrivée, le verdict des urnes fit de lui le nouveau Président élu du Sénégal, renvoyant Abdoulaye Wade à une retraite politique sans panache.

Au Burkina-Faso, scénario identique à bien des égards. Un homme, Roch Marc Christian Kaboré qui fit toute sa carrière à l’ombre du Président Blaise Compaoré, gravit sous ses bonnes grâces tous les échelons du pouvoir excepté bien sûr celui de succéder à son mentor, eut le courage politique de lui dire ça suffit, de dire non à la présidence à vie de Blaise Compaoré à un ultime moment, juste 10 mois avant la révolution d’octobre 2014 du peuple burkinabè. Un an après, comme Macky Sall, candidat à l’élection présidentielle après une transition soumise à rudes épreuves, Roch Marc Christian Kaboré partit à la rencontre de ses compatriotes, passant pour un homme de rupture. Au soir du 29 novembre dernier les Burkinabè firent de lui dès le 1ertour leur nouveau Président.

Mais pourquoi au Bénin la classe politique qui revendique et se prévaut d’intelligence politique en Afrique se refuse-t-elle à arpenter ces chemins de grandeur et de victoire ? Son inclination aux puissances d’argent aurait-elle définitivement raison sur son essence, deux décennies seulement après sa réhabilitation ?

De même peu de temps après l’indépendance les leaders politiques d’une manière ou d’une autre en ont appelé à l’arbitrage de l’armée dans la gestion politique du jeune Etat souverain, de même plus d’un demi-siècle après l’indépendance, les chefs-fondateurs de nos partis politiques se défaussent l’un après l’autre sur de nouveaux hommes qu’ils découvrent soudainement providentiels, le temps d’élire un nouveau Président de la République

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