Vive Boni Yayi, gouverneur de la colonie du Bénin !

Boni Yayi est-il au service de la France ou du Bénin ? Cette question peu injurieuse nous a été posée par un confrère camerounais à nous journalistes béninois participant aux 44è assises de l’Union internationale de la presse francophone (Upf) à Lomé la semaine dernière.

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A l’heure de la pause-café, juste après la cérémonie officielle d’ouverture, ce confrère s’est mis à rechercher les journalistes béninois. Un exercice laborieux dans ce monde de près 400 participants venus d’une quarantaine de pays se mélangeait les uns aux autres. « Où sont les Béninois ? », demandait-il à la cantonade à tous ceux qu’il croisait. C’est alors qu’un quarteron de journalistes togolais devisant à un jet de pierre, nous – deux confrères béninois et moi –  doigte : « voilà certains parmi eux ». Le confrère se hâte de s’approcher de nous. On le voit visiblement impatient de se vider après avoir vu quelque chose qui l’intriguait. « Bonjour chers amis, votre président là, son comportement me surprend. Depuis des années, Boko Haram tue des gens chez nous au Cameroun mais je ne l’ai jamais vu venir chez nous présenter les condoléances au peuple camerounais. Mais chaque fois qu’il s’agit de la France, il se dépêche pour aller là-bas présenter ses condoléances. On dirait qu’il travaille pour la France. Où bien vous ne voyez pas ? ». Abasourdis par ce déversement de fiel d’un confrère perturbé dans son tréfonds par les attitudes du Chef de l’Etat, nous restons placides et sans aucune réaction. Seul un confrère tente de le défendre. « Mais il a toujours compati à la douleur des victimes de Boko Haram  et a même fait une tournée en Afrique centrale pour cela », réagit-il. Une discussion de quelques minutes s’engage entre ces deux Africains et au bout de quelques minutes, le confrère camerounais part déçu mais soulagé de dire quelque chose qui a dû susciter son ire. Son passage devant nous fut bref mais laisse en nous une grande gêne au sujet de l’image que donne notre président à l’extérieur. « Qu’ils doivent être nombreux à voir en lui un vassal au service de la France », me suis-je dit intérieurement. Les nombreuses navettes du président Boni Yayi donnaient déjà de lui l’impression d’un gouverneur de colonie allant recevoir ses instructions dans la métropole. Depuis 2015, une demi douzaine de visites à l’Elysée. Plus précisément du 09 juin à ce jour, quatre visites. Une fréquence inouïe jamais réalisée par un président béninois depuis 1960. A s’en tenir à ces statistiques, Yayi reste le président le plus régulier de l’Afrique francophone à Paris. A chaque fois que Hollande s’éternue, Yayi est pris d’une grippe aigüe. Sa solidarité vis-à-vis de Paris surprend de plus en plus. Déjà pour les attentats de Charlie Hebdo, il avait interloqué le monde entier en affichant cet air de président pleurnichard ému par le drame survenu au siège de l’hebdomadaire satirique et qui, à l’aide d’un torchon blanc recueillait son torrent de larmes. A chaque fois que l’occasion se présente, Yayi doit montrer aux Français sa grande solidarité et son amour. Aveugle sentiment d’un président devenu passionnellement amoureux de son colonisateur ?! Non. Le problème de Yayi est plus complexe. Il semble jouer sur la fibre de l’extrême gratitude à un pays qui aura été pour lui ces dernières années : protecteur, conseiller, assistant en toute chose…Même sur des questions insoupçonnables. On m’avait bien chuchoté que la France n’était pas étrangère au K.o de 2011 qui porta Yayi au pouvoir pour la 2è fois. Un confrère détaché à la Marina à l’époque m’avait bien dit que la primeur du K.o fut annoncée par des suppôts français avant que la machine de propagande ne prenne le relais.

Qu’en 2010, persécuté par une opposition qui avait le vent en poupe, Yayi avait dû se plier au diktat de la patrie mère pour avoir son maroquin en 2011. En retour, il avait reçu comme consigne de sauvegarder les intérêts de la France. Le président Yayi semble bien respecter son serment d’outre méditerranée. Bolloré étend ses tentacules dans tous les secteurs d’activités. Après le port, il est dans les chemins de fer puis après l’énergie. On ne compte plus d’ailleurs le nombre de visites effectués ici par Vincent Bolloré le Pdg du groupe, ami personnel et confident de Boni Yayi pour lequel il est prêt à tout fait, même au prix de lourdes ardoises financières pour le pays. Le nationalisme du début s’est vu édulcorer par une francophilie intéressée. Ségub peut bien régner sur  le contrôleur le guichet unique des formalités au port. La mission sera bien accomplie si Yayi réussissait à imposer comme son successeur un « made in France » politique. A Paris, il sera reçu avec tapis rouge même après son départ du pouvoir en 2016. La diplomatie française se plierait en quatre pour lui trouver des sinécures à l’international.

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