De la nécessité de transparence dans la gestion des affaires publiques

Joseph Stiglitz, co-lauréat du Prix Nobel d’Economie (2001) et actuellement Professeur à la célèbre Université Columbia de New York, a publié voici quelques années une étude qui présente un intérêt certain pour les électeurs africains. L’étude est intitulée: ‘Transparency in Government’.

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Selon Joseph Stiglitz, il est une obligation pour le gouvernement de travailler dans l’intérêt des citoyens, surtout lorsque le chef de ce gouvernement a été élu dans un contexte démocratique. Les dirigeants politiques, explique le Professeur de l’Université Columbia, ne doivent pas utiliser les énormes pouvoirs qu’ils exercent pour leur propre compte, ni dans l’intérêt de ceux qui ont financé leur campagne électorale, et ceci au détriment des citoyens ordinaires. La tentation est pourtant grande qu’une fois élu, le Chef de l’Etat veuille ‘retourner l’ascenseur’ en procédant à des nominations imméritées, en attribuant illégalement de gros contrats de l’Etat à des sociétés qui ne les méritent pas, en violation de la loi sur la passation de marchés, et bien d’autres irrégularités encore. Joseph Stiglitz estime que les gouvernements n’agissent pas souvent dans l’intérêt des citoyens, ceci d’autant plus que les questions de gestion économique ne sont pas aisées à comprendre pour l’électeur moyen, dans un pays comme le Bénin par exemple, où le taux d’analphabétisme et d’illettrisme reste très élevé. Par exemple, lorsqu’un gouvernement décide d’effectuer des investissements massifs dans les infrastructures, ou dans le renouvellement des équipements des forces de défense nationale, à première vue ces décisions sont considérées comme relevant du bon sens. Aucune croissance économique n’est en effet possible sans les grandes infrastructures – routes, ponts, barrages, centrales électriques, etc. dont le coût est souvent estimé en plusieurs centaines de milliards de F CFA. Cela relève également du bon sens que le gouvernement veuille renforcer les capacités de défense nationale et souhaite mieux lutter contre les organisations terroristes qui se multiplient sur le continent africain, par l’acquisition de nouveaux équipements militaires et par une formation plus adaptée des forces de sécurité. Ici également, les enjeux financiers sont colossaux, la tentation de gestion opaque est décuplée, d’autant plus que les budgets de défense nationale sont souvent classés ‘secret-défense’. Joseph Stiglitz admet que dans ce dernier cas, il serait bien difficile à un gouvernement de communiquer aux citoyens les montants de son budget de défense et de sécurité nationale.

Complexité des questions économiques et financières : De nombreux gouvernements, estime le Professeur de l’Université Columbia, n’aiment pas trop étaler sur la place publique, les processus qui conduisent à la prise de telle décision politique, plutôt qu’une autre décision alternative. Et de toute façon, insiste Joseph Stiglitz, les questions économiques et financières sont souvent complexes et difficiles à comprendre. En conséquence, il semble se développer, de façon naturelle, une asymétrie de l’information entre gouvernants et gouvernés. Cette asymétrie produit malheureusement des conséquences négatives aussi bien pour les processus politiques que pour les questions de gouvernance. Le manque de transparence donne bien souvent aux gouvernants le pouvoir discrétionnaire de mettre en œuvre des politiques qui, en dernière analyse, servent leurs propres intérêts privés ou corporatistes. Joseph Stiglitz estime que l’amélioration des  règles régissant la diffusion et le partage des informations avec les citoyens, réduirait considérablement les possibilités d’abus de pouvoir aussi bien dans la gestion économique que dans le fonctionnement des processus politiques.  Et c’est ici qu’il faut souligner le rôle que doivent jouer les medias, y compris les réseaux sociaux et les organisations de la société civile, dans la promotion de la transparence au sein du gouvernement. La liberté d’expression et une presse libre constituent certainement des outils de pression sur les gouvernements dans la gestion quotidienne des affaires publiques. Les medias et les organisations de la société civile doivent travailler ensemble pour limiter les abus de pouvoir qui guettent les gouvernants, même ceux qui ont été élus de la façon la plus démocratique. Joseph Stiglitz est persuadé qu’en travaillant ensemble, les médias et tous ceux qui œuvrent pour la promotion de la transparence dans la gestion des affaires publiques contribueront à réduire les abus de façon significative, et à mieux répondre à la demande sociale. Lorsqu’elle est bien informée, l’opinion publique peut également faire pression sur les gouvernants afin qu’ils travaillent effectivement à la satisfaction des besoins des citoyens. Dans la mesure où l’information constitue un bien public, il est de l’intérêt des gouvernants eux-mêmes de fournir aux citoyens les informations essentielles dont ils ont besoin pour décider s’ils renouvellent ou non leur confiance à leurs dirigeants lors du prochain scrutin. Une information crédible dépouillée de toute manipulation, et partagée spontanément avec les citoyens, notamment dans les domaines des cultures d’exportation comme le coton, ou des gros investissements dans les infrastructures, permet aux électeurs de mieux apprécier les efforts fournis pour promouvoir la croissance économique et réduire la pauvreté. Quoi qu’il en soit, ajoute Joseph Stiglitz, les gouvernants ne peuvent espérer le renouvellement de leur mandat électif s’ils cachent leur gestion de la chose publique, et donnent l’impression de profiter tout seuls des avantages que procurent l’exercice du pouvoir politique et le contrôle des richesses de la nation

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