Supplique pour une élection présidentielle paisible : plaidoyer pour une franche transition

Observateur assidu de ce qui se passe au Bénin sur le plan politique, je me permets de crier mon inquiétude et ma détresse face à ce qu’il est devenu, et des risques qu’il encourt.

Publicité

Si mon propos n’est pas étayé de citations ou de faits, c’est pour qu’il ne soit pas considéré comme le soutien à l’une ou l’autre des personnes en lice pour briguer la candidature à la magistrature suprême.

Une campagne détestable avec des attaques personnelles inutiles

On entend et lit çà et là des propos indignes d’une campagne électorale animée par des adultes conscients des enjeux liés à l’élection du président de la République, et du mal qu’ils font à autrui. La faiblesse économique ne peut justifier les nombreux écarts de langage que l’on observe actuellement même si elle impose une campagne courte et des messages simples.

On constate en effet des confrontations et/ou des attaques verbales qui n’honorent pas une collectivité nationale qui se veut fondée sur une valeur fondamentale : la bonne éducation qui implique le respect des uns et des autres. Et la jeunesse qui suit attentivement ce qui se passe, doit s’instruire à partir de ce qu’elle voit et entend des aînés.

Publicité

Que l’on émette des doutes quant à la capacité d’un prétendant à la candidature passe encore, mais que l’on s’en prenne à sa personne, ou que l’on s’érige en juge de nationalité est insupportable. Il n’y a pas de degré en matière de nationalité : on est citoyen ou on ne l’est pas. D’ailleurs, lorsque l’on connaît l’histoire de ce pays peuplé à la suite de migrations diverses contributives de la richesse nationale, on évite de tenir certains propos. Ce qui honore à l’extérieur (la diaspora béninoise y est dynamique et féconde), devrait être respecté à l’intérieur parce qu’il y a des naturalisés et qu’il y a des binationaux. Il n’y a pas de bons et de mauvais Béninois ni des vrais ou faux Béninois.

Pour rappel, il n’y a pas si longtemps et pas loin du Bénin, la définition de critères d’appartenance a conduit à plusieurs années de guerre avec son cortège de morts innocents et de destructions inutiles. La confrontation n’est pas une nécessité mais un choix que font les acteurs qui l’initient et l’entretiennent par personnes interposées. Bien que certaines personnes occupant des positions importantes ne tiennent pas leur rang depuis plusieurs années en raison de propos souvent condamnables, il faut reconnaître qu’en cette période pré-électorale, les porteurs de parole ne sont pas publiquement désavoués par leurs mandants. C’est bien regrettable !

Il est urgent que ceux qui se veulent bâtisseurs du présent ou d’avenir s’interrogent sur les raisons de tels dérapages :

  • la faiblesse des institutions : le détournement des objectifs des institutions ;
  • l’ignorance du principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ;
  • la confusion entre la notion d’Etat et les personnes occupant des fonctions importantes ;
  • l’impunité des « grands » qui rendent rarement des comptes sur leur gestion des deniers publics ;
  • les pressions diverses sur ceux qui osent alerter l’opinion sur des anomalies ;
  • la constitution subite de fortune sans que quiconque s’en émeuve – pas même les services compétents ;
  • l’improvisation généralisée ;
  • … etc.

Tous les moyens ne sont pas bons pour accéder au pouvoir ou pour s’y maintenir. Faire de la politique, c’est se rendre disponible pour la collectivité sur la base de convictions fortes.

Il n’est pas bien qu’à la veille de la campagne électorale, le pouvoir en place – qui devra, de toute façon, rendre des comptes pendant et après les élections – fasse tout pour se maintenir aux affaires quitte à prendre des décisions contre-productives en matière économique ou écologique.

Ce que l’on attend d’une campagne pré-électorale et même électorale, c’est la mobilisation des électeurs par une confrontation féconde des idées et des projets ; sur ce plan, c’est plutôt le vide à quelques exceptions près.

Absence de lignes politiques claires, favorable à la cannibalisation des électorats.

A la veille de l’élection du président de la République, où de trop nombreux candidats sont annoncés, la plupart des grandes formations politiques restent atones parce qu’elles seraient atomisées par l’irruption de richissimes hommes d’affaires naguère pourvoyeurs de fonds. On dirait que ces personnalités ont fait le choix de court-circuiter ces grandes formations politiques nationales en les coupant de leurs bases régionales, ce qui aurait pour conséquence de leur forcer la main le moment venu. Dès lors celui ou celle qui aurait l’adhésion de la base devrait être adoubé. Les formations qui ne se soumettraient pas, devront disparaître au profit d’une nouvelle entité pouvant devenir une nouvelle formation forcément concurrente.

Cette situation met en lumière le constat que je partage avec d’autres qu’à quelques rares exceptions, il n’y a pas de parti politique au sens véritable du terme, avec une doctrine ou une idéologie. Les partis politiques en Afrique au sud du Sahara en général, et au Bénin en particulier, ne sont pas constitués sur la base d’un idéal commun et des voies pour l’atteindre, mais plutôt sur la constitution de fiefs, et des appartenances à des clans et groupes ethniques. Ces caractéristiques font que les hommes politiques surfent sur la fidélité de citoyens majoritairement analphabètes qui se convainquent que l’accession au pouvoir d’un des leurs permettra à l’ensemble de la grande famille d’en jouir tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre.

J’ai la chance de vivre comme nombre d’autres natifs du Bénin, dans un pays où les clivages existent mais ne constituent pas la base de la constitution des partis politiques ni de groupes de pression. Ces différences d’appartenance ou d’assimilation à une aire géographique et/ou à un groupe linguistique, servent à doser la répartition des fonctions au niveau exécutif, et de la gestion des services de l’Etat – sur la base des compétences évidemment.

Ce qui manque ici, ce sont donc de vrais partis politiques, et il est encore temps d’y remédier afin de permettre au citoyen moyen de comprendre enfin les enjeux de l’élection de 2016. Qu’il n’imagine pas qu’il désignera un monarque tout puissant ayant tous les droits, et pouvant s’octroyer tous les privilèges. Il s’agit de désigner un vrai représentant : le premier de tous, qui, à la fin de son mandat, devra nécessairement rendre des comptes.

Avec des formations politiques qui n’ont pas de vraies visions différentes et/ou différenciables, il est recouru à des personnes (leaders) peut-être charismatiques, fortunés (d’une manière ou d’une autre). On entend d’ailleurs çà et là « choisissons untel parce qu’il a de l’argent, il est à l’abri du besoin et ne puisera pas dans la caisse », « choisissons tel autre parce qu’il a un carnet d’adresses bien garni, qui nous ouvrira les portes des investisseurs étrangers ». On en vient à regretter le régime révolutionnaire qui incitait à coup de slogans à « compter d’abord sur nos propres forces, sur nos propres ressources, sur nos propres moyens ».

Les choix préconisés ici sont ceux de la paresse et de la facilité. Dans notre monde devenu véritablement un village global, et où les pays sont en concurrence les uns avec les autres, il est illusoire d’imaginer que d’autres iront œuvrer à l’épanouissement et au développement d’un pays qui n’est pas le leur. Le réalisme impose de s’arrêter un instant, et de reposer la question de l’objectif et du cap pour le pays. Aux partis politiques de déterminer sur la base de leur vision, de leur doctrine ou de leur idéologie les voies et moyens qu’ils préconisent pour les atteindre. C’est sur cela que devrait porter le débat et non sur telle ou telle personne.

Il serait donc bien d’avoir de vrais partis politiques afin que celles et ceux qui désirent s’impliquer, le fassent sur la base de conviction, et encourager ceux qui, bien que talentueux, ne se sentent pas à même de s’impliquer.

Trop de voyants au rouge

Que ce soit en termes de démographie, de sécurité ou même d’éducation, le Bénin, à l’instar de la plupart des pays africains au sud du Sahara, va très mal. Pourtant les Béninois ont accès à l’information comme l’ensemble des autres citoyens du monde, et savent que les performances enregistrées ailleurs peuvent être atteintes chez eux aussi. La rigueur et l’organisation ne sont pas l’apanage de certains peuples.

Il arrive un moment dans l’histoire où une masse critique se constitue et s’oppose à l’ordre établi qui n’offre aucune perspective à la majorité de la population laissée pour compte. Une prise de conscience collective est nécessaire pour ce faire.

Aujourd’hui, il est évident que le système est en panne partout, et qu’un changement de paradigme s’impose. Ne serait-ce pas l’heure non seulement de mettre en place des institutions qui épousent la sociologie béninoise, mais aussi de revisiter le vivre-ensemble ?

Il est certainement temps de décider de mettre en place une transition qui permettra de passer d’une société post-coloniale et post-démocratisation (processus en cours) à une société en développement. Ne faudra-t-il pas passer par une nouvelle conférence nationale des forces vives (parce que celles d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier, et que le monde a bien changé) ?

Il est temps de renoncer aux improvisations en mettant en place des institutions fortes dont le fonctionnement ne serait pas soumis à la pression du pouvoir exécutif.

Il est temps de construire un registre d’état-civil informatisé pour cesser d’être confronté à la reconstitution d’une liste électorale qui coûte extrêmement cher.

Il est temps de construire une véritable classe politique fondée sur des convictions de développement et non sur la soumission à une personne ou à quelque clan.

Pour tout cela, une réforme de l’éducation épousant également la sociologie nationale est indispensable.

Ce dont je suis sûr, c’est que le pays regorge de talents pour surprendre à nouveau le monde en les invitant tous à venir apporter leur contribution parce que de nouveaux trous sont apparus sur la jarre de la Concorde.

En l’absence de lignes politiques claires et donc de partis politiques véritables, et compte tenu des forces en présence et des tensions sur le terrain pour la campagne électorale pour la désignation du chef de l’exécutif, le pays court le risque d’affrontements violents même si la plupart des Béninois se rassurent en affirmant qu’il y a une tradition non-violente au Bénin. La guerre n’a jamais été un début de solution. Il importe de s’inquiéter. C’est ce que je fais à l’endroit de ce pays où je suis né.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité



Publicité