La guerre des projets de société a commencé. Chaque candidat en course pour la Marina présente le sien comme le mieux conçu, le mieux à même de répondre aux attentes et aux aspirations des Béninois. Un peu de pub fait du bien. Chacun voit midi à sa porte et c’est de bonne guerre.
Les projets de société s’invitent donc dans la campagne électorale. Ils sont tout à la fois signe et expression d’une avancée significative. Naguère, les candidats ne se sentaient pas obligés de décliner un projet de société. On se souvient de ce candidat dont l’ambition affichée était tout simplement de transformer le Dahomey d’alors, et nous le citons « en un petit Paris ». Et toute sa campagne a tenu en ce rêve pharaonique de peindre son pays aux couleurs chatoyantes d’une grande métropole occidentale. Les populations ont mordu à l’hameçon. Le candidat en question a bénéficié d’assez de suffrages pour s’offrir un strapontin à l’Assemblée nationale.
Autres temps, autres mœurs. Aujourd’hui, tout change. Un candidat à l’élection présidentielle, sans un projet de société, passerait aux yeux de tous pour un chien perdu sans collier. Le projet de société devient l’identifiant par excellence d’un candidat. Mais, questions : un projet de société est-il un phénomène de mode auquel l’on souscrit pour être et pour rester dans le vent de l’événement ? Un projet de société est-elle une nécessité formelle parce que porteur d’une vision, indicatif d’une direction d’action ? S’il devait en être ainsi, quelle valeur attachée aux projets de société dans un pays aux trente-cinq candidats comme le Bénin, comme s’il y avait trente-cinq manières différentes de faire le bonheur des Béninois ? A la vérité, les projets de société n’ont pas la même histoire, ils ne se réclament pas des mêmes origines, ils ne sont pas d’égale valeur. On en distingue trois types au moins.
Il y a le projet de société largement inspiré par l’idéologie, les idées que porte et qui porte un parti politique. Lequel n’attendra jamais l’élection présidentielle pour écrire le projet de société de son candidat. Mais chez nous, au Bénin, face à la faillite intégrale de la classe politique, face à l’effondrement total de notre système partisan, nous ne bénéficierons pas du privilège de connaître un tel type de projet société.
Il y a le projet de société qui ne se veut qu’une simple articulation d’éléments accrocheurs pour faire rêver au-delà de tout rêve. Dans un pays où tout est à faire et où la misère se débite par plaques entières, il n’en faut pas davantage pour faire rêver effectivement. La démagogie n’est pas loin pour un racolage à moindres frais. On vend ainsi du vent dans le souci de séduire l’électorat. On n’a plus affaire à un candidat à l’élection présidentielle, mais à un magicien, à un marchand d’illusion.
Il y a le projet de société bien charpenté et bien structuré, résultat d’un travail savant conduit de mains de maîtres par une grappe d’experts. Ceux-ci, organisés en des cabinets spécialisés, offrent, comme tels, leurs services. A partir de quelques indications, ils dessinent les contours de brillants projets de société. A partir de modèles préétablis, ils tracent l’architecture du projet de société personnalisé d’un candidat. Lequel se contraint à endosser et à assumer un projet auquel il est étranger. N’est-on pas ainsi prêt à flouer le citoyen-électeur, à en faire le dindon d’une grosse farce ?
Tout ce qui précède montre que les projets de société, pour nécessaires qu’ils soient, ne doivent pas cependant s’imposer à nous comme nos fétiches dans le bois sacré de nos élections. Il faut en prendre et en laisser. Mais il faut surtout laisser la société civile, du fait de sa nature non partisane, jouer pleinement son rôle à ce tournant d’avant-veille d’élection.
Nous comprenons, de ce fait, la mission que s’est donné un groupe d’organisations de la société civile. Il est proposé à tous les candidats, avec un œil particulier sur le candidat élu, le Pacte Alafia pour transformer la gouvernance publique du Bénin. Un Pacte assis sur sept engagements fondamentaux. Ainsi, si un projet de société engage un candidat par rapport à lui-même, le Pacte Alafia, par exemple, ambitionne de faire engager le candidat élu par rapport aux citoyens-électeurs. Reste à marquer celui-ci à la culotte. Un peu comme on surveille le lait sur le feu
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