Bénin: Un « Nouveau Départ » sans une « Rupture »

Le 6 avril 2016, le Président Patrice Talon a prêté serment en tant que 4e Président de l’ère du Renouveau démocratique de la République du Bénin. La formation de son premier gouvernement, qui marque la prise en main des guidons de l’Etat, est l’acte fort qui a clôturé cette journée sobre mais hautement symbolique.

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Ce gouvernement est de 21 membres dont trois femmes. Par ce premier acte, attendu par le peuple souverain, le «Nouveau Départ», a-t-il tenu la promesse de « La Rupture » ?

Compétence technique et expérience politique

C’est une constatation évidente que dans ce gouvernement, il y a des personnalités de haute qualité qui sont nommées à la place qu’il faut. De la compétence, il en a eu à des postes clés. On peut citer,  Abdoulaye Bio Tchané au Plan et au Développement, Pascal Irénée Koukpaki pour l’Administration présidentielle, Aurélien Agbenonci à la tête de la diplomatie béninoise, Romuald Wadagni aux commandes des finances et de l’économie, Professeur Djogbénou un homme de droit pour la justice et Oswald Homéky dont le dynamisme pourrait donner un nouveau souffle au sport béninois. Egalement, on constate qu’il y a, dans ce gouvernement des personnalités qui jouissent d’une expérience politique solide. Sacca Lafia, au ministère de l’intérieur, est  un vieux routier de la politique nationale qui dispose d’une connaissance adéquate des affaires internes du pays. Candide Azannaï, ministre délégué à la défense, est lui aussi un vieux routier de la politique nationale. On peut ne pas être d’avis avec ses approches et prises de positions, on ne peut pas lui dénier une expérience politique avérée. D’ailleurs, il a été pour le Président de la République un ami fidèle et loyal dans la conquête du pouvoir d’Etat. Enfin Barnabé Dassigli, au ministère de la décentralisation est comme un caïman dans son marigot. En résumé, ce gouvernement reflète des compétences techniques et aussi de l’expérience dans la conduite des affaires publiques, deux éléments indispensables pour tenir le gouvernail d’un Etat.

L’approche genre en berne

En revanche, sur vingt et un portefeuilles ministériels, il y a trois femmes ministres. Madame  Marie-Odile Atanasso à l’Enseignement supérieur, Adidjatou Mathys à la Fonction publique et Rafiatou Monrou à la Communication et à l’Economie numérique. Ce qui traduit un ratio de 14 % de femme contre 24% pour le premier gouvernement du régime précédent. N’est-ce pas là, une violation d’une tradition positive, instaurée par le régime précédent qui consistait à faire confiance davantage aux femmes, en leur confiant de plus en plus de grandes responsabilités. Il est vrai que selon les termes de l’article 54 de la Constitution du 11 décembre 1990, il revient de droit et de façon discrétionnaire au Président de la République de  choisir les citoyens avec lesquels il entend assumer la mission à lui confier par le peuple. Mais, il n’en demeure pas moins que, dans la coalition de « rupture », il ne manque pas de personnalités de sexe féminin qui pourraient incarner raisonnablement la compétence. Ainsi, Madame Célestine Zanou, Agro-économiste au ministère de l’agriculture serait-il un mauvais choix ? Madame Violette Djidjoho, proche de Sébastien Ajavon, au commerce ne serait-il pas un choix guidé par une présomption de compétence dans le secteur ?

Absence d’une véritable rupture

Le fait que des personnalités très importantes du régime précédent ont été repêchées exprime l’absence d’une véritable rupture. Edouard Ouin Ouro a été  Secrétaire Général de la Présidence sous le Président Boni Yayi, limogé pour mauvaise gouvernance, (il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés à l’époque) se retrouve  Secrétaire Général du Gouvernement avec le nouveau régime. Pascal Irénée Koupaki, numéro 2 sous Boni Yayi retrouve le même poste. Sacca Lafia, très influent parlementaire et ministre de l’énergie sous Boni Yayi, est l’actuel ministre de l’Intérieur. Candide Azannaï, ancien porte-parole du gouvernement et ardent défenseur (jusqu’en 2011) de Boni Yayi est l’actuel ministre de la Défense.

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S’il faut comparer le projet politique dit de « Rupture » au régime défunt, tout observateur objectif mettra comme défi majeur pour le «Nouveau départ» la sacralisation de la parole publique du Chef de l’exécutif. Surtout que, l’une des promesses de campagne de la « rupture » est de « décrédibiliser » l’Etat. Mais, peut-on rendre l’Etat crédible sans une parole publique sacrée du Président de la République ? L’un des reproches faits au régime défunt n’était-il pas la banalisation de la parole publique du Chef de l’exécutif ? Les contingences et les réalités liées à l’exercice du pouvoir d’Etat ont-elles eu raison de la profession de foi et de la bonne volonté du Président de la République ? A notre avis, il est déplorable que les effets d’annonce prennent le pas, d’une part, sur la réflexion sereine qu’impose la prise d’une décision politique importante, et, d’autre part, sur la préparation minutieuse qu’exige la mise en œuvre de l’action gouvernementale. Mais où se trouve la rupture ?

En somme, après lecture de la composition du premier gouvernement du Président Patrice Talon, on retient que dans la forme il y a effectivement un nouveau départ. En revanche dans le fond, il n’y point de rupture. Du moins, pour le moment.

Djidénou Steve Kpoton,
Juriste, Citoyen engagé, Jeune Leader du Bénin

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