Quel système éducatif pour le développement du Bénin?

Depuis un certain nombre d’années le système éducatif béninois est décrié car il produit de moins en moins de bons résultats. En effet, le niveau des apprenants diminue progressivement comme une peau de chagrin.

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Le taux de réussite au baccalauréat a d’abord connu une période faste en passé de 18.73% en 1990 à 46% en 2005 avant de chuter drastiquement à 23.7% en 2014 (Office du Bac, 2015). Pour le brevet d’étude du premier cycle, la tendance est aussi baissière en passant de 59% en 2004 à 30.2% en 2015 (DEC, 2015). Quant au certificat d’étude primaire, le taux de réussite est passé de 62% en 1994 à 54% en 2004 avant de remonter à 89.6%. Le taux d’abandon dans le primaire est passé de 8.3% en 2003 à 13.4% en 2012 (INSAE, TBS 2012). Dans le supérieur, les résultats ne sont pas guère reluisants avec des taux de réussite très faible. Ces données montrent que le système éducatif béninois a une efficacité interne très faible.

Les apprenants qui ont réussi à sortir leurs épingles du jeu du système éducatif viennent gonfler le taux de chômage que certains appellent taux de sous-emploi. Le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter. Selon les statistiques officielles (EMICOV, 2010, 2011), le taux de sous-emploi est passé de 45.3% en 2007 à 53.9% en 2011 alors que celui des jeunes est de 63.2% en 2010. Le taux d’emploi salarié non agricole est de 7.9% et le taux d’emplois vulnérable des jeunes est de 83.8% en 2013. Paradoxalement, il y a des secteurs d’activité où il y a un manque criard de main d’œuvre. On peut citer les secteurs d’activité où les taux d’actifs occupés sont faibles : industrie et artisanat (couture, mécanique, menuiserie…) 2.7%, agroalimentaire 1.8%, le BTP et la construction 2.8% (INSAE, 2013). On conclut donc que le système éducatif donne une formation qui n’est pas en adéquation avec les besoins du marché de travail. En définitif, on peut donc déduire que le système éducatif donne une formation au rabais et produit une main d’œuvre qui n’est pas compatible avec le besoin de l’économie. Quel serait alors le système éducatif approprié pour le développement du Bénin?

Au lendemain de l’accession du pays à l’indépendance, l’école avait formé des cadres qui vont continuer à assurer le travail des colons. Le système ne formait donc que des fonctionnaires. Les formations techniques et professionnelles telles que la couture, la mécanique, la maçonnerie sont assurées par le secteur informel (généralement appelé atelier). Après la période postcolonial, un nouveau système éducatif a été mis en place au cours du régime marxiste-léninisme entre 1972 et 1990, il s’agit de « l’école nouvelle » (Lauwerier et al., 2013). Il est caractérisé par l’introduction d’activités pratiques, des cours professionnels dans l’enseignement supérieur. Cette réforme doit résoudre le problème de l’adéquation entre école et emploi ; elle doit concilier travail manuel et travail intellectuel à travers les coopératives scolaires qui comptent une gamme variée d’activités productives (souvent manuelles) et culturelles (Amoussou-Yéyé, 1993). Ces deux périodes ont connu une grande efficacité externe, c’est-à-dire que la quasi-totalité des enfants sortis de l’école avait un travail rémunéré. Au début des années 1990, « l’école nouvelle » a atteint ses limites (DEBOURGOU, 1990). A la suite des Etats Généraux de l’Education, un autre système éducatif a été introduit sans grand succès car l’efficacité externe devenait de plus en plus faible et un autre l’a remplacé au début des années 2000 et a été généralisé en 2005 : l’Approche Par Compétences. Depuis l’introduction de ce système, les résultats scolaires sont flatteurs, taux de redoublement en baisse au primaire (il est passé de 17% en 2005 à 11.9% en 2012 ; TBS, 2012), le taux d’achèvement du primaire est passé de 66% en 2005 à 71.2% en 2012 (INSAE, 2013) pourtant le niveau des apprenants a nettement diminué. Dans le cadre du nouveau programme, les fautes sont plus acceptées et ainsi les résultats sont surestimés. Certains acteurs mettent aussi en évidence que l’APC semble être moins exigeante et objective au niveau de l’évaluation. Ce qui justifierait l’écart entre les résultats et le niveau des enfants. Ce constat peut être expliqué par un certain nombre de fait. Le nouveau système d’apprentissage est déconnecté de l’environnement social. Comme le mentionne l’étude de Lauwerier et al., les parents n’ont pas été sensibilisés à cette approche pour suivre leurs enfants et les aider : « Avec le nouveau programme, les enfants ne réagissent pas comme avant… Dans l’ancien temps, les parents aidaient les enfants à la maison ». Les parents peuvent donc difficilement soutenir leurs enfants dans leurs apprentissages s’ils ne sont pas clairement associés au processus d’apprentissage. Selon certains acteurs du domaine, la formation des enseignants pose un véritable problème. On constate que la durée et la qualité de la formation initiale des enseignants ont fortement diminué. Ainsi, il est loisible de se demander comment il était possible de proposer un enseignement de qualité avec une faible formation. Généralement, lorsque ces formations ont lieu, elles se font en quelques semaines voire au plus quelques mois. De plus, la grande majorité des enseignants recrutés ont un niveau secondaire du premier cycle pour le primaire et de licence dans le secondaire.

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Dans ces conditions, que faire pour que l’école produise une masse critique de citoyens bien formés capables de résoudre les problèmes qui se posent à la nation? Au regard de tout ce qui précède, la nouvelle école dont nous avons besoin doit privilégier et concilier la formation et l’emploi. Il nous faut une politique de l’enseignement de base pour tous, c’est-à-dire que l’enseignement maternel, primaire et une partie du secondaire peut être gratuit mais en aucun cas le supérieur. Comme nous avons une multitude de langues nationales, nous ne pouvons donc pas enseigner dans toutes nos langues. Il va falloir choisir une ou deux langues les plus parlées pour l’introduire dans l’enseignement au côté des langues étrangères. C’est le cas Sénégal avec le wolof, en Chine avec le Cantonais, au Kenya avec le Swahili. La présence d’une langue nationale aurait ainsi un impact sur la qualité de l’enseignement; « …ce serait un atout pour mieux comprendre encore le français. Parce que si je n’arrive pas à comprendre quelque chose en français, je peux déjà le comprendre en Fon-gbe ou en Mina » (Lauwerier et al., 2013).

Le nouveau système éducatif que nous proposons, comporte quatre niveaux d’enseignement : la maternelle, le primaire, le secondaire et le supérieur. Tout le système est géré par une seule entité administrative. Pour que notre système éducatif ait une grande efficacité externe, favoriser l’insertion professionnelle, il faudrait que des objectifs soient assignés à chaque degré de l’enseignement. Ainsi, le niveau maternel garde ses attributs actuels. Quant à l’école primaire, elle servira à initier l’enfant à l’apprentissage des langues à travers la lecture, l’écriture et les comptes. A cela s’ajoutera des activités pratiques comme au temps de « l’école nouvelle » afin d’éveiller la curiosité et faire ressortir le talent caché en lui. Le Programme du primaire peut comprendre les domaines d’apprentissage ci-après : le domaine des langues, le domaine des mathématiques, de la science et de la technologie, le domaine de l’univers social (Géographie et histoire ; éducation à la citoyenneté) et le domaine du développement personnel (éducation physique et à la santé ; éthique et morale). L’enseignement maternel et primaire doit être gratuit en thème de scolarité et une partie des manuels scolaires utilisés. Le cycle primaire est sanctionné par l’examen du Certificat d’Etude du Primaire.

L’école secondaire sera fusionnée, on n’aura plus ni le volet enseignement secondaire général ni le volet technique et professionnel. Le secondaire sera divisé en deux cycles comme actuellement mais le premier cycle durera cinq ans et le second durera deux ans. Le premier cycle sera subdivisé en deux niveaux, un niveau général de trois ans considéré comme un cycle préparatoire à tous les élèves. Ce niveau permettra aux élèves de chercher leur vocation. Dès la classe de troisième année du secondaire, les élèves vont travailler deux semaines par semestre (stage de découverte et d’apprentissage), principalement dans des entreprises, afin de se familiariser avec le monde du travail. Le deuxième niveau comprendra deux volets, le volet général et le volet technique et professionnel. A ce niveau, le stage devient obligatoire et peut durer au moins un trimestre. A la fin du cycle, les élèves passeront un examen et obtiendront le Diplôme d’Etude du Premier Cycle avec des spécialités. Le second cycle sera l’approfondissement des options choisies au deuxième niveau du premier cycle et sera sanctionné par le baccalauréat. Les différentes filières qui seront enseignées dans le secondaire doivent être en adéquation avec les besoins présents et futurs de notre économie compte tenu de sa dynamique. Les cours doivent permettre à un élève de poursuivre ses études à l’extérieur du pays. Il faut donc tenir compte de la comparabilité du système avec les normes internationales.

L’université est le centre de formation de l’élite, des cadres qui doivent trouver les solutions pour diminuer les peines des populations. Il ne saurait question que l’enseignement soit au rabais du fait de la gratuité qui ne s’observe nulle part au monde. Les études universitaires seront divisées en trois cycles distincts. Le premier cycle est sanctionné par la licence mais comprend également les certificats comme le BTS. Le deuxième cycle universitaire qui peut offrir des diplômes de master et de diplôme d’étude supérieure spécialisée. Le master sera une formation de deux ans qui est axée soit sur des compétences de recherche, soit sur des compétences professionnelles. Ainsi, les étudiants peuvent être initiés à la recherche universitaire, suivre plusieurs cours ou séminaires, suivi d’un stage en milieu professionnel. Le diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) est un programme plus court que le master. Il est prévu pour être fait en un an. Il est souvent axé sur des compétences professionnelles. Enfin, nous avons le troisième cycle qui est de durée variable et mène à l’obtention d’un doctorat. Les étudiants au troisième cycle universitaire, les doctorants, sont des chercheurs. Ils publient des articles et rédigent une thèse de doctorat. Le cycle universitaire doit être une continuité des autres degrés de l’enseignement. Il doit offrir un enseignement rigoureux et de qualité.

Ce système doit être mis en œuvre sur trois ou cinq ans. Pendant ce temps, les enseignements seront formés, les infrastructures seront mises en place (construction des salles de classe, achat du matériel didactique etc.), constitution du budget pour le financement du système. L’approche d’enseignement doit tenir compte de l’environnement social, du niveau de développement économique et des ressources disponibles pour éviter les difficultés qu’a connu l’APC. Tel doit être le système éducatif qui pourrait sortir le Bénin du sous-développement et de la pauvreté. Nous reviendrons dans un autre papier sur le financement de ce système.

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