Bénin : histoire du trône de Béhanzin et d’images du Danxomè avec Marie-Cécile Zinsou

Déterminées au service de l’art contemporain mais aussi du patrimoine pour la conservation de l’Histoire de son pays le Bénin, Marie-Cécile Zinsou et  la grande fondation Zinsou qu’elle préside à Cotonou reconstituent une riche base iconographique sur le Dahomey qu’elle commence à partager sur les réseaux sociaux.

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Histoire d’intéresser la jeune génération à l’histoire.  Dans cette interview accordée à la Nouvelle Tribune, elle explique sa démarche et fait également le récit du  rachat par sa famille, du trône du puissant roi Béhanzin.

Vous avez publié récemment des images d’archives datant de plus de 100 ans (sur le  Dahomey, le roi Béhanzin. Comment avez-vous retrouvé ces images ?

Ce sont des archives qu’on a commencé à constituer en 2006 à l’approche de l’exposition « Béhanzin roi d’Abomey »,  qui s’est faite en partenariat avec le Quai Branly. On a réalisé qu’il y avait eu énormément de publications de presse  concernant le Dahomey entre 1890 et 1894 en France et en Europe en générale. Nous nous sommes assigné la mission de récupérer les images, les cartes postales, les livres, les revues…  tout ce qui pouvait concerner le Dahomey. L’idée était de créer une base d’archive, une base iconographique qui me semble essentielle pour documenter notre histoire. 

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Chaque mois nous consacrons un budget à la collecte de ces documents que nous trouvons dans les ventes aux enchères, chez les bouquinistes, de toutes les manières possibles. C’est un travail de recherche assez long mais ça donne ses fruits. Aujourd’hui on possède des centaines de documents qui concernent le Dahomey.  Ces  documents sont en train d’être entièrement retranscrits  parce que l’idée, c’est  de pouvoir les rendre plus accessibles au public. On est en train de travailler pour faire une version numérique pour la mettre à la disposition de tous. L’archive est déjà  ouverte sur demande pour les chercheurs, les universitaires, les destinateurs de bandes dessinées qui en ont besoin pour des travaux d’histoire.

En les diffusant sur les réseaux  sociaux, ces images ont suscité beaucoup d’intérêts. Finalement c’est une bonne idée pour intéresser la  jeune génération à l’histoire ?

Pour l’instant on a mis les archives à disposition. Mais comme c’est très fragile on l’a fait dans un contexte restreint à un très petit nombre de professionnels. Notre but est de pouvoir diffuser ces documents à toutes les personnes que ça peut intéresser. J’ai partagé sur les réseaux sociaux pour voir ce que ça allait donner. Je ne m’attendais pas du tout à ce déferlement d’intérêt.  Donc, je pense que ça vaut le coup de réfléchir à comment présenter ça. Les réseaux sociaux auront une part importante dans la diffusion du patrimoine.  Le patrimoine n’est pas forcément quelque chose de figé qui se trouve dans un musée délabré  payant. Ça peut aussi être gratuit, disponible et ouvert à tous. C’est intéressant de voir la jeune génération sensible à ces images.  Les images des premières plaques de verres qui montrent les écoliers au Dahomey, les unes des journaux qui montrent  les amazones dans les livres de voyage, le livre de Waterlot sur les bas-reliefs d’Abomey  publié en 1926. C’est une question qui a toujours été importante à la fondation puisqu’on avait déjà en 2006, publié les unes de tous les journaux qui avaient parlé du Dahomey et de la conquête coloniale pour permettre aux gens d’avoir accès à l’iconographie.

On a aussi publié les extraits du Kpanlingan de Béhanzin, car il faut aussi dire à la jeune génération que le Dahomey a écrit son histoire (même si aujourd’hui une grande partie des kpanlingans a disparu). On a publié un cahier de toutes les correspondances et tous les discours depuis le roi Glèlè écrivant à Bismarck  jusqu’aux dernières correspondances de Dodds et Béhanzin.

On vient d’évoquer le roi Béhanzin. Vous avez fait revenir son trône et  récemment cela a été au cœur des polémiques. Certains disent que le trône n’est plus au Bénin. Qu’en est-il ?

Je vous raconte l’histoire du trône parce qu’on est dans une situation où les choses ont beaucoup changé.  En 2004 on a été averti par la maison de vente aux enchères Sotheby’s  que le trône de Béhanzin, qui était dans une collection privée, allait être vendu. On  a immédiatement appelé le gouvernement béninois pour leur dire ‘’attention !, c’est une pièce majeure de notre histoire, il est possible pour le Bénin de l’acquérir et de la rapporter’’. On a très vite fait  circuler l’information dans le Bénin pour que les gens sachent,  que ceux  qui avaient les moyens ou des gens du gouvernement  soient au courant que le trône était réapparu sur le marché. Ça nous semblait essentiel de faire cette acquisition  et de le rapporter. On savait qu’il  y avait des musées, notamment un musée  allemand et un musée sud-américain qui étaient très intéressés par le trône et qui allaient être dans la salle de vente. On savait que ça n’allait pas être facile de le récupérer.  Au Bénin, ça a suscité une ironie, presque une sorte de un mépris. Le jour de la vente, il n’y avait aucun Béninois dans la salle à part mon père. On a décidé d’acheter le trône à titre familial  pour pouvoir le  rendre au Bénin.

En voyant l’état des musées aujourd’hui, il n’est pas possible de l’exposer dans un musée national. Il va être dégradé dangereusement comme  les autres oeuvres. L’idée n’est pas d’aller chercher des objets, de les maintenir, de soutenir  le patrimoine, de les documenter… tout ça pour après les mettre dans les termites, dans une salle  où il n’y a pas de fenêtre, pas de contrôle climat, aucune sécurité. 

Comme c’est une pièce historique qui mérite d’être vue, on l’a exposée à de nombreuses reprises et il a été extrêmement vu. Je crois que les gens étaient très contents,  en tout cas selon les messages qu’ils nous ont laissés.

Malgré ces nombreuses expositions, beaucoup demeurent encore sceptiques. Comment comprendre ça ?

Tout ceux qui étaient vraiment intéressés par le trône sont venus le voir quand il était exposé. Tout ce focus sur le trône, les récentes divagations à propos du trône,  c’est purement politique. Ce n’est pas la peine de se mentir, ce n’est pas un débat de fond à caractère patrimonial. L’intérêt patrimonial a été perçu par les deux cent cinquante milles (250.000) personnes qui sont venues le voir, lors de l’exposition « Behanzin », puis lors de « Collectionneurs du Bénin » ou encore pendant les journées du Bénin à l’Unesco. A l’époque, ce n’était pas un « sujet à la mode ». Deux cent cinquante milles (250.000) personnes, sur une population de dix (10) millions d’habitants, c’est juste un chiffre impressionnant qui montre l’attachement des béninois à leur histoire ! La question du trône, pour le plaisir des polémistes, ne me concerne pas. Nous, à la fondation, nous avons vocation à montrer de l’art  contemporain. De temps en temps nous faisons des exceptions et on montre de l’art ancien, on parle de patrimoine. On va continuer à faire cela. Le trône est revenu en main béninoise. On a résolu le problème. Le jour où les musées d’Etat rempliront les conditions de conservation, de monstration, d’accueil des publics, de travail pédagogique…nous envisagerons d’en faire un patrimoine national. Tant que la sécurité du patrimoine n’est pas garantie, nous consacrons nos efforts à le préserver de manière privée afin que les générations suivantes puissent avoir une trace symbolique de leur histoire.

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