La situation de crise qui prévaut à l’Université d’Abomey-Calavi suscite beaucoup de réactions. Notamment dans le rang des universitaires.
La dernière en date est celle du Professeur Nicaise Médé, Directeur de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM). Dans une tribune publiée sur sa page facebook, le Directeur de l’ENAM a analysé la crise à l’Université et souligne que le problème c’est la massification. Laquelle s’est accrue depuis 2008 avec le décret de la gratuité de l’Enseignement supérieur.
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Après son diagnostic, le Professeur Médé propose comme solution l’autorégulation. Lire l’intégralité de sa tribune.
Universités nationales du Bénin : le temps de l’autorégulation
Le paradoxe saute aux yeux. Il est même troublant. Vous entendez, à longueur de journaux télévisés, de pages de presse écrite, de posts sur facebook et sur WhatSap, des propos aussi dévastateurs que : des pneus brûlent sur la voie publique, des bagarres éclatent partout, les policiers et gendarmes font usage de leurs armes, il y a des blessé, des véhicules et des immeubles sont saccagés ou brûlés…Vous vous dites, on est sûrement au quartier "jonquet" ou encore à la gare routière de Dantokpa c’est-à-dire à ces endroits où il vaut mieux avoir des muscles plutôt qu’une cervelle. Et vous vous rendez compte que vous faites erreur. Nous sommes bien sur le campus universitaire d’Abomey-Calavi. Ce que la presse qualifie de "haut lieu du savoir." Le paradoxe est là. C’est ce qui représente l’élite intellectuelle de la nation qui donne le spectacle désolant qui est plutôt l’apanage des mauvais quartiers de la cité. On ne parle pas des universités nationales du Bénin pour le palmarès scientifique, les découvertes réalisées, les brevets scientifiques décrochés, les performances de nos laboratoires de génie industriel ou agronomique ! Nos universités nationales africaines, d’Abomey-Calavi à Parakou, de Ouagadougou à Saint-Louis du Sénégal, de Niamey à Bambey, ne s’illustrent désespérément que dans la rubrique des faits divers où le hooliganisme le dispute à l’enfantillage. Et pourtant ! L’université africaine dispose de ressources humaines de très belle facture. Formateurs et apprenants de chez nous supportent très bien la comparaison et l’émulation avec les universités des autres continents, lors de rencontres internationales et autres formes de coopération qui mettent ensemble des équipes multinationales. D’où sort alors le mal ? Chacun y va de sa rengaine. Mais le mal absolu a un nom : la massification des effectifs. A la bêtise communément partagé, le Bénin a ajouté, en 2008, sa dose d’absurdité en décrétant la gratuité de l’inscription à l’université. Le primaire est gratuit, le secondaire est payant et le supérieur est gratuit ! C’est la logique de la moutarde de perlimpinpin. Il faut aujourd’hui régler la question de fond, celle de la régulation des flux d’étudiants. En l’état actuel de ses effectifs d’enseignants-chercheurs et de salles de cours/labo/biblio l’université ne peut former qu’un nombre réduit d’étudiants que seuls les conseils pédagogiques des entités peuvent décider. Pour mieux faire comprendre l’enjeu, utilisons une allégorie simple : maman, maîtresse de maison met un couvert pour 5 invités. Elle fait la cuisine pour faire le plaisir des papilles de cinq personnes. Papa, un peu frimeur mais sans grands moyens, fait venir 20 personnes pour se régaler du délicieux repas de maman. Le résultat est qu’il y a eu bousculade à table (situation incongrue pour gens civilisés) et personne en définitive n’a mangé à sa faim. Les convives sont insatisfaits, insatisfaction qu’ils manifestent bruyamment en cassant les assiettes en porcelaine de maman et en traitant papa de nom d’oiseau…Cette insatisfaction, cette faim inassouvie, lorsqu’il s’agit de nourriture de l’esprit comme à l’université, produit l’holocauste intellectuel auquel nous assistons depuis l’Ecole nouvelle des années 1980. Le temps est venu de laisser les universités nationales s’autoréguler. En termes clairs, il s’agit de laisser les autorités universitaires décider du nombre et du profil des futurs étudiants en tenant compte des infrastructures disponibles (amphis, labo, biblio) et du nombre de formateurs. Si un professeur doit corriger 9.400 feuilles par session d’examen, ce n’est plus un enseignant du supérieur, c’est un instituteur !