Restaurer « l’autorité de l’Etat » est un discours qu’on entend beaucoup au Bénin ces temps-ci. Au nom de cette restauration de l’Etat, un président Bulldozer et son préfet Toboula Valjean, commis aux basses œuvres, met en branle une véritable entreprise de destruction de pans entiers de la ville au prétexte de l’embellir.
Le leurre de faire de Cotonou un « Kigali sur mer », un « Genève sur les bords du lac Nokoué » ou un « Singapour de l’Atlantique » enthousiasme certains intellectuels petits bourgeois des villes, acculturés, qui font des gorges chaudes sur la propreté, oubliant les montagnes d’ordures à toit ouvert qui ornent les rives du lac Nokoué, les trottoirs, vons et allées centrales, sans mentionner les caniveaux, faute de tout-à-l’égout et de politique de ramassage et traitement des déchets ménagers et autres.
Les éléments de cette frange de la petite bourgeoisie urbaine, se transforme en chambre d’écho et haut parleur des hauts bourgeois au pouvoir , bombe son torse de freluquet, montre ses biceps bandes à la taille de cuisse de grenouille, pour inviter le gouvernement a « tenir bon », « aller jusqu’au bout » etc…Leur slogan , repris par les griots du régime « nous on fonce ! », probablement droit dans le mur de la résistance populaire qui inévitablement s’organisera et triomphera.
Ce faisant, ces intellectuels petits bourgeois confirment leur rôle de supplétif de la haute bourgeoisie, ces représentants du capital étranger chez nous, dont le président Talon – enrichi par l’économie de traite et le « crony-capitalisme » ( affairisme adossé à la machine d’Etat et au clientélisme) est l’image caricaturale.
Avec ces démolitions à Cotonou et dans les grandes villes, la haute bourgeoisie vient de déclarer la guerre aux pauvres, aux petits artisans , aux petits propriétaires, à la couche inférieure de la bourgeoisie marchande nationale de chez nous .
Elle vient de confirmer au grand jour le rôle de l’Etat comme instrument d’oppression et de domination d’une classe sur une autre, tel qu’il ressort des analyses marxistes que l’on croyait dépassées, mais qui se révèlent être de puissants instruments d’analyse des sociétés et des économies, à adapter, bien sûr nos contextes qui sont toutefois moins spécifiques et plus universels que nous ne le pensons. Dans son célèbre opuscule, l’Etat et la Révolution, Lénine écrivait « Selon Marx, l’Etat est un organisme de domination de classe, un organisme d’oppression d’une classe par une autre; c’est la création d’un « ordre » qui légalise et affermit cette oppression en modérant le conflit de classes« .
Quelles sont les classes et couches sociales qui sont visées dans l’entreprise de démolition conduite de façon brutale, éhontée et cynique par les hauts bourgeois de chez nous ?
- L’entreprise de démolition des baraques utilisées comme domiciles de fortune par les nombreux sans abri de notre société, mais aussi des pauvres , travailleurs payer des loyers de Cotonou, ou des transports depuis des villes et villages distants de 25 a 50 kms, est une attaque frontale contre les pauvres en général, la frange la plus fragile des travailleurs, y compris les jeunes apprentis, les zem, les jeunes sans emplois. On peut voir à Cotonou, des jeunes maintenant réduits a dormir dans les cages de distributeurs de billet à Fidjrosse, une fois que les baraques les abritant ont été démolies !
- La destruction des lieux de travail est une attaque contre la couche inférieure de la bourgeoise et petite bourgeoisie marchande nationale. Les petits commerçants, les petits artisans, les exploitants de maquis , bars et restaurants populaires , ceux- là dont les entreprises et la fortune ne viennent pas de la représentation de sociétés étrangères, la distribution à forte marge de produits étrangers , qui ne dépendent pas de l’étranger pour leur survie et prospérité, mais produisent localement des produits et services locaux pour le marché intérieur. Nombre de propriétaires de maquis ont vu leurs activités et revenus drastiquement réduits . De petits commerçants sont réduits à transférer leur étal dans des vons, réduisant leur exposition a la clientèle et inévitablement leur chiffre d’affaires et bénéfices
- La démolition de baraques et auvents appartenant à de petits propriétaires qui en tirent des revenus locatifs comme complément ou substitut de pensions de retraites, ou simple investissement.IL s’agit là d’une attaque contre ces gens qu’on peut considérer comme partie de la petite bourgeoise marchande ou de la couche inférieure de la bourgeoisie marchande. Ils voient leurs sources de revenu réduites à la portion congrue.
Au total, on voit que la cible de la furie destructrice des hauts bourgeois, ce sont les pauvres, travailleurs, artisans ,apprentis, zem, et la couche inférieure de la bourgeoise marchande nationale, celle par qui nous pouvons espérer démarrer une accumulation initiale de capital pour financer un développement endogène et autocentré.
Ce n’est pas un hasard si dans le même temps ou on prétend reprendre possession du domaine public, les plages du Bénin sont cédées à des groupes hôteliers étrangers qui bétonnent le littoral privant les cotonois par exemple de l’accès a cet espace éminemment public ( voir derrière le Bénin Marina et le centre de conférences etc…).
Le gouvernement Talon se caractérise par un mépris hautain du petit peuple auquel il est étranger, une arrogance affichée, drapée dans une prétendue compétence managériale dont la seule expression visible aujourd’hui est la distribution de postes aux parents et amis, ravivant régionalisme sudiste et clientélisme éhonté.
Les mises en scène théâtrales de programme d’action ne sauraient effacer cette réalité dont la perception se renforce que le gouvernement Talon, c’est la mise sous coupe réglée de l’économie nationale au profit d’une bande de copains ,bourgeois compradores, au service de grands groupes étrangers pour qui le pays est mis en affermage. Le gouvernement « fonce », mais peut être vers un mur qu’il ne pourra pas toujours détruire au bulldozer.
L’histoire de notre pays est une histoire de résistance aux dictatures ouvertes ou voilées, et celui qui se prend pour César en rêvant d’être Mandela découvrira rapidement que le Bénin n’est pas à vendre aux enchères et nos villes chloroformées pour être présentées en vitrine sans âmes à d’hypothétiques touristes étrangers. Les villes du Bénin appartiennent d’abord et avant tout aux Béninois qui y habitent, et notamment à leur majorités de pauvres
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