Êtes-vous un bon chef ?

Avez-vous jamais occupé une position de chef dans votre vie ? Je réponds oui pour vous, car je montrerai tout à l’heure que tout lecteur qui arrive à lire mon présent article, même s’il est encore enfant, est un chef à un certain niveau.

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Mais quand vous êtes chef, usez-vous ou abusez-vous de votre autorité ? Vos agents au service vous prennent-ils pour une autorité ou un épouvantail ? Etes-vous pour vos enfants une force alliée ou une épée de Damoclès toujours suspendue au-dessus de leurs têtes ? En un mot, êtes-vous respecté ou craint ? Voilà deux notions totalement différentes sur lesquelles nous réfléchirons un peu ce jour.

Qui est chef ? 

J’ai écrit plus haut que toute personne qui arrive à lire cet article est déjà chef. En effet, je ne parlerai pas de l’armée ou des services (publics ou privés) où la notion de chef est précise et bien connue. Mais un commerçant indépendant, est-il un chef ? Bien sûr puisqu’il dirige une famille. Et si même il n’a aucune famille, il est tout de même en relation avec des personnes moins âgées que lui à la maison ou ailleurs, et qui voient en lui une certaine autorité. Même un enfant du cours primaire exerce une autorité tacite sur les plus petits des classes inférieures qu’il côtoie tous les jours dans la cour de récréation.

En fait, les exemples et les cas de figure sont légion pour montrer que depuis le bas âge et toute notre vie, nous exerçons une autorité sur d’autres personnes et qu’il n’est nul besoin de paperasse pour consacrer cette autorité.

Les mauvais chefs

 Je suis gêné de mettre un qualificatif au mot chef, car les sages nous disent qu’il y a certains mots comme ami, frère, chef et bien d’autres qui ne doivent pas être qualifiés d’une certaine manière. Par exemple, un mauvais ami n’est pas un ami. L’ami est toujours bon. Un mauvais chef n’est pas un chef, etc. Ceci  me pousse à donner ma définition tout à fait personnelle du mot chef.

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Selon moi, il s’agit d’une personne investie d’une autorité formelle ou tacite, et qui exerce cette autorité dans le sens de la justice et du progrès. Dans la logique de cette définition, et quand nous faisons appel à nos expériences respectives, est-ce que nous pouvons dire que dans notre vie, nous n’avons connu ou côtoyé que de bon chef ? En tout cas moi, je n’ai pas eu que de bons chefs.

Puisque cette partie est consacrée aux mauvais chefs, je donnerai ici un exemple que j’ai personnellement vécu et qui m’a vraiment marqué. J’étais secrétaire général d’une sous-préfecture ici au Bénin. Nous étions dirigés par un Sous-préfet jeune et très autoritaire. Mais ce que je vous demande de retenir principalement, c’est qu’il s’agissait d’une sous-préfecture très pauvre dans laquelle les travailleurs devraient sortir leur propre argent pour acheter même un stylo à bille pour travailler. La plupart des agents (tout juste une dizaine) émargeaient au budget des collectivités locales et rencontraient d’énormes problèmes du point de vue de la situation salariale.

Fort heureusement, des élections législatives arrivèrent avec ce que cela comporte comme injection de fonds dans nos campagnes pour l’organisation pratique. Au bout du compte, les perdiems des agents  de la sous-préfecture étaient assez consistants et devraient leur permettre de souffler un peu. Mais savez-vous ce qu’a fait l’administrateur civil que nous avions comme sous-préfet ? Il a fait signer un état aux agents et a commencé à leur payer un montant largement inférieur à ce qu’ils ont réellement émargé. Ce fut alors une ruée  dans mon bureau, où certains agents presque en larmes se plaignaient à moi.

Je ne vous raconterai pas la suite de cette affaire absolument vraie, car vous pourriez en être trop choqués. Retenez simplement qu’il n’a pas remis les sous et qu’il n’a jamais été inquiété.

Mais, ce qui nous intéresse dans cet exemple, c’est l’autorité excessive que certains chefs érigent autour de leur personne comme un bunker. Ensuite, avec cette protection ainsi que celle de la mafia politique, judiciaire et administrative, ils sont invulnérables et font ce qu’ils veulent quand ils veulent.

Un autre aspect des mauvais chefs, c’est ce plaisir à voir les autres s’aplatir totalement devant nous ; il faut qu’à toute occasion nous puissions, par des signes précis, montrer que nous sommes le chef, le centre du monde. On doit se mettre au garde-à-vous devant moi parce que je suis le plus gradé, même si c’est dans une buvette ou à une piscine. A mon arrivée, on doit courir pour me prendre mon sac qui n’est pourtant pas lourd. Quand j’entre quelque part, il faut que l’on sache  que le chef est là. Humilité ? Connait pas…

Je ne voudrais pas écrire nu article trop long, sinon, je parlerais d’autres catégories de chefs, ceux par exemple qui font beaucoup d’erreurs, mais n’acceptent pas que les autres en fassent aussi. Ceux qui n’ont du plaisir qu’en voyant les autres souffrir. Ceux qui ne savent pas qu’on appelle félicitations et qui ne voient que le côté négatif réel ou supposé de leurs agents, étudiants apprentis, élèves ou enfant, etc. 

Et pourtant…

Pourtant, on n’a pas besoin de sortir d’une haute école religieuse pour savoir que nous devons aimer les autres comme nous-mêmes. Moi je ne suis pas un anarchiste. Je suis pour une société humaine organisée, comme c’est cas actuellement. Nous sommes très loin de la perfection, mais notre organisation est une force par rapport aux autres animaux. Vraiment, je ne me permettrai pas de souhaiter une société humaine sans chefs.

Mais ce que nous devons savoir, c’est que l’être humain qui subit une autorité est après tout un être humain. Il ne le dit peut-être pas, mais il souhaiterait qu’en toute circonstance, sa dignité humaine soit respectée. Lorsqu’à cause de notre pouvoir, nous traitons les autres comme des sous-êtres, n’allons surtout pas nous imaginer qu’ils sont nuls dans tous les domaines et pour toujours ! Dans chaque être humain se trouve des valeurs cachées qui se révèlent parfois à la grande surprise de ses détracteurs.

Pour ce qui nous concerne, chacun récoltera ce qu’il aura semé, l’amour ou la haine au moment où il ne s’y attendrait pas du tout. N’entendons-nous pas souvent des propos du genre : « vous êtes la fille de telle enseignante ? Votre mère était une dame très gentille qui m’a tenu en classe de sixième.» Ou alors : « Tu vois la fille qui vient de quitter mon bureau ? Elle ne me connait, pas mais moi je la connais bien. C’est la fille de tel ancien ministre. Si je te raconte ce que son père m’en a fait voir quand il était ministre, tu ne me croiras pas. Mais c’est moi qui dois décider aujourd’hui de l’avenir de sa fille aînée. Voilà comment la terre tourne, l’histoire des hommes aussi.» Je dis tout de suite que si le sort vous met dans une telle condition, il ne faut pas rendre le mal du parent à l’enfant qui est innocent.

Moi, votre serviteur qui vous parle, l’un des plus grands chocs de ma vie, je l’ai eu d’un jeune homme venu du néant que j’ai embauché et à qui j’ai fait de grandes choses que je n’ai même pas faites à mes cousins sans emploi. Et savez-vous comment il m’a remercié ? Eh bien, il s’est enfui avec une grosse somme, mon argent dont j’avais vraiment besoin à ce moment précis.  L’affaire est bien connue d’une gendarmerie de la place. Pensez-vous que je vais punir ses petits frères et sœurs que je rencontre partout ? Il ne faut pas le faire. Personne ne doit payer pour la méchanceté d’une autre personne.

Je vais conclure en soulignant qu’il n’y a rien qu’on puisse faire dans cette vie pour être aimé de tout le monde. Moi-même, je ne suis pas sûr d’avoir été un bon chef, ni dans mon foyer, ni durant mes trente ans de service dans la fonction publique. Le bon chef peut être rigoureux, mais il est respecté parce que ses collaborateurs voient au-delà de sa rigueur, un bon cœur humain et le respect de leur dignité quelles que soient les circonstances. Le chef épouvantail par contre est craint et croit qu’il est respecté. Il est entouré de gens qui se croient en prison, contraints à l’hypocrisie et qui prient Dieu et les mânes de leurs ancêtres pour qu’ils les libèrent de ce personnage cauchemardesque. C’est pour ce la que quand ce chef est limogé, les gens viennent verser des larmes de crocodile en sa présence et quand il rentre dans sa voiture après la passation de service à son successeur, tout le monde se met à danser. N’est-ce pas là le jeu du chat et de la souris ?  Cela est indigne de l’Homo Sapiens.

Si dans cette réflexion, j’ai réussi à vous apporter quelques idées pour la direction de vos foyers et de vos collaborateurs, je m’en réjouis. Dans le cas contraire, nous poursuivrons ce débat fraternel plus tard.

Par Denis AVIMADJESSI (Ecrivain)

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