Après plusieurs lunes de miel, les relations entre le président Patrice Talon et le président de l’Assemblée nationale Adrien Houngbédji, tendent vers dans une zone de turbulence. Le discours prononcé par ce dernier lundi à l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale, le prouve à suffisance. Deux chantiers politiques en perspective pourraient être la pomme de discorde : la désignation des membres de la prochaine Cour constitutionnelle et les législatives de 2019.
Frustré ? Assoiffé d’indépendance ? Adrien Houngbédji a tenu lundi 09 avril à l’Assemblée nationale un discours original. S’il n’a rien d’extraordinaire en ce qu’il proclame l’attachement aux principes démocratiques traditionnels d’indépendance des pouvoirs, de respect des décisions de la Cour constitutionnelle, il est au moins nouveau au regard du contexte politique. Il met fin à une saison de louanges, qui ont tôt fait d’assimiler Houngbédji à un soutien inconditionnel de Patrice Talon. Mais ce lundi, son discours a eu le courage de proclamer l’attachement de l’homme à la démocratie et à l’état de droit. Lorsqu’on le prend dans son exhaustivité, il tranche avec ceux tenus par tous ces hommes qui revendiquent leur appartenance à la majorité présidentielle.
Les relents de rébellion aux décisions de la Cour constitutionnelle, devenue la risée de tout le gouvernement, et les propos diabolisant les syndicalistes, en grève n’y figurent plus. Ce discours ne serait pas tenu par un certain Adrien Houngbédji, dans un contexte comme celui-ci, qu’il aurait laissé libre cours à toutes autres explications. Mais lorsqu’on tient compte de la carrure de son auteur, on ne peut qu’y apporter quelques explications politiques. Le discours intervient dans un contexte de relation un peu froide entre le Prd et le pouvoir. Selon des indiscrétions, les barons du Prd accusent des proches du chef de l’Etat d’être en dessous des attaques contre le parti dans les réseaux sociaux. Plus sérieux encore, il se susurre que l’honorable Ahouanvoébla serait de mèche avec le pouvoir pour déstabiliser le Prd. Le discours de Houngbédji vise à titiller le chef de l’Etat, pour qu’il se souvienne des promesses non tenues et surtout qu’il discipline « ses éléments » qui tirent tout le temps sur le parti. Mais il y a plus sérieux qui frustre Houngbédji. Il y a en perspective deux grands chantiers qui risquent de diviser davantage les deux hommes.
Condamnés à collaborer
La désignation des membres de la prochaine Cour constitutionnelle risque de diviser Talon et Houngbédji. Déçu par les prestations de la Cour « Holo » qui ne lui a pas été favorable, Patrice Talon brûle d’envie de voir vite s’installer en juillet prochain la prochaine cour. Pour éviter les désaveux que cette cour lui a infligés, Talon entend tout faire pour maîtriser la prochaine qui va s’installer.
Pour atteindre cet objectif, il lui faut collaborer impérativement avec le président de l’Assemblée. En effet, selon la constitution, quatre des sept membres de cette Cour doivent être désignés par le bureau de l’Assemblée nationale. Les trois autres sont désignés par le président de la république. Au cas où Talon n’aurait pas réussi à influencer les choix du bureau de l’Assemblée, il se retrouvera à envoyer uniquement ses trois représentants. Et là, bye-bye le rêve de contrôler la Cour constitutionnelle. Seulement voilà, Adrien Houngbédji qui se voit dans une situation inconfortable face à la mouvance, pourrait ne pas jouer le jeu. Son discours de lundi dernier vise à réveiller l’attention du chef de l’Etat sur ses nouveaux airs d’affranchissement politique.
L’autre chantier qui risque de créer la discorde, c’est la désignation des membres du Cos-Lépi. Bien que la clé de répartition des désignations ait été établie d’avance, le désir proclamé du président de l’Assemblée nationale de faire respecter la décision de la Cour constitutionnelle, invitant l’Assemblée nationale à désigner ses représentants au Cos-Lépi, pourrait bien se heurter à l’opposition du gouvernement et de son chef. Ce dernier, brandissant des soucis d’économie pour l’Etat, s’est toujours montré réticent à l’application de cette décision. Houngbédji pourrait aussi mettre dans le lot de ses exigences, la résolution de l’équation « Ahouanvoébla », devenu aujourd’hui la bête noire du parti. Il se raconte par ailleurs que l’un des responsables de sociétés grossistes de produits pharmaceutiques emprisonnés, serait très proche du Prd. Talon doit saisir la perche pour éviter de voir lui échapper la prochaine Cour constitutionnelle
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