Pourquoi préférer les chiffres aux mots ? Les chiffres, dans leur éloquence sèche, ont une force de vérité à nulle autre pareille. Les mots, portés par une phraséologie creuse, masquent souvent la vérité.Un vrai rideau de fumée ! 2 763 : retenez ce chiffre. C’est le nombre des grossesses enregistrées dans nos écoles au cours de l’année scolaire 2017-2018. Source : le ministère de l’Enseignement secondaire. L’information est chiffrée. Sa source est identifiée. Elle prend, du coup, une place particulière dans nos consciences.
Gravissime, en effet, cette confusion entre l’école et la maternité. Nous connaissions le phénomène des notes dites « sexuellement transmissibles ». En voici un nouveau. A défaut de doper le Bénin intellectuellement, il promet de le renforcer démographiquement. On ne récolte que ce qu’on a semé. Une grande leçon est à tirer de l’aventure de l’école-maternité : donnons aux faits toute leur place, mais imposons-nous la discipline de les étayer par et avec des données chiffrées. Quelques exemples à l’appui de notre argumentaire.
La silhouette, l’ombre projetée de notre administration générale, c’est le retard. Cela ne gène plus personne. On semble même convenir que c’est bien qu’il en soit ainsi. Rien ne presse. L’usager peut attendre, sinon, ciao ! Que nous coûtent-ils, quotidiennement, annuellement nos retards dans notre administration ? Il est temps que nous en ayons une idée claire, sur la foi d’une évaluation chiffrée. La preuve sera ainsi faite que la facture de nos retards est plus importante que celle de l’ensemble des primes et avantages que nous réclamons à cor et à cri et à coups de grèves. Dans ces conditions, qui doit quoi à qui ? Qui est débiteur de quoi à qui ?
Nos routes sont des nids à problèmes. Nous n’en avons pas beaucoup. Mais comment nous comportons-nous sur les quelques unes que nous avons pu construire à la sueur de nos fronts ? Nous devrions pouvoir déterminer, d’une année à l’autre, le volume, le poids des ordures dont nous encombrons nos voies du fait de notre incivisme. Nous devrions pouvoir dire le nombre de lampadaires annuellement renversés sur nos voies du fait de notre inconscience. Nous devrions pouvoir chiffrer ce que nous coûtent les bouches d’égout volées, les panneaux de signalisation dérobés ou détruits du fait de notre irresponsabilité. Nous devrions pouvoir apprécier, chiffres en main, les graves agressions contre ces voies : pavés cassés, carrefours piétinés, bitume méchamment griffé, garde-fous tamponnés ou emportés. Ne parlons pas des accidents sur nos voies avec leur lot de blessés graves et de morts. Des statistiques devraient nous aider à saisir nos progrès ou nos reculs en matière de sécurité, d’une année à l’autre, en vue de mesures appropriées, adaptées, voire ciblées.
Connaissons-nous le nombre exact de conducteurs de taxis-motos » « Zémidjan » en service dans l’agglomération de Cotonou ? De quels départements et communes de notre pays viennent-ils ? Dans quelles tranches d’âges se situent-ils ? Niveau d’étude. Cursus scolaire. Diplômes obtenus. Raisons du choix de cette activité. Situation matrimoniale… Aucune gouvernance digne de ce nom ne peut passer par pertes et profits le phénomène « Zémidjan ». Aucune administration ne peut se contenter de voir aller et venir des jeunes gens au gré des services informels qu’ils rendent, dans la débrouille la plus totale. Le secteur « Zémidjan » attend une politique nationale de reprise en main. Une telle politique ne peut être engagée qu’avec des données fiables et autant que possibles chiffrées.
Dans le secteur scolaire, les pourcentages rendus publics sur chacun de nos examens ont une résonnance forte dans nos consciences. Nous avons une idée plus exacte du niveau de nos apprenants. Nous appréhendons les performances ou les contreperformances des différents établissements scolaires. Nous situons mieux les responsabilités et à tous les niveaux. Loin des généralisations inopérantes.
L’affaire autour de laquelle nous venons de boire la coupe de la honte jusqu’à la lie, l’affaire des jeunes footballeurs sur l’âge desquels nous avons triché, nous ramène à la vérité des chiffres. Au XXIème siècle, on n’estime plus l’âge d’un individu. On connaît son âge. Son état civil en atteste, en fait foi. Tout le reste n’est que bricolage et tricherie. Voulons-nous rester dans les ténèbres et faire du sur-place ou voulons-nous aller vers la lumière de la connaissance et rester dans la caravane des peuples qui gagnent ? La question est posée. A chacun d’y répondre.
Laisser un commentaire