Au cours des dernières décennies, de nombreux pays africains se sont engagés dans un cycle d’endettement accru auprès des créanciers occidentaux et, plus récemment, de la Chine. Cette dette s’est souvent accumulée dans le cadre de programmes de développement économique et d’investissements dans des infrastructures majeures comme les routes, les hôpitaux, et les écoles. Initialement, dans les années post-coloniales, la dette visait à financer la modernisation et le développement, mais elle a été fréquemment marquée par une gestion peu rigoureuse et des détournements de fonds. Avec l’entrée en scène de la Chine au début des années 2000, de nouveaux prêts ont été contractés, caractérisés par moins de conditions politiques que ceux des institutions traditionnelles comme le FMI ou la Banque mondiale.
Toutefois, ces dettes ont accru les inquiétudes relatives à la soutenabilité financière des pays emprunteurs, car si les infrastructures peuvent stimuler le développement économique, elles peuvent également entraîner des pays dans un piège de la dette, où ils luttent pour rembourser les intérêts sans pouvoir réduire le principal de la dette. Cette situation soulève des craintes quant à la dépendance financière à long terme vis-à-vis des créanciers étrangers et les implications de cette dépendance pour la souveraineté économique de ces nations.
Le 16 mai 2024, l’Institut des Artisans de Justice et de Paix, en collaboration avec Coris Bank International, a organisé un débat au Chant d’Oiseau de Cotonou. L’événement a permis aux participants d’aborder la question épineuse de l’endettement des nations africaines. Les intervenants, dont l’ancien ministre Maurice Lazare Sèhouéto, ont examiné les différentes facettes de la dette, soulignant que toutes ne sont pas préjudiciables, bien qu’il existe des dettes toxiques.
L’ancien ministre Sèhouéto a insisté sur l’importance de la pertinence de l’endettement, évoquant la nécessité d’une gestion prudente des ressources empruntées et de la poursuite des efforts internes pour accroître la production de richesse. Cette démarche serait essentielle pour assurer la capacité des pays à rembourser leurs dettes sans compromettre leur développement économique.
Le professeur Maxime Jean-Claude Hounyovi a rappelé les paroles de Thomas Sankara lors d’un sommet de l’OUA, où il avait défié les chefs d’État africains à refuser de payer la dette, arguant qu’elle avait déjà été remboursée plusieurs fois. Cette position radicale, bien qu’ayant entraîné des conséquences fatales pour Sankara, souligne la pression et les manipulations internationales souvent subies par les pays africains.
D’autre part, l’économiste Ganiou Soglo a exprimé une vision plus nuancée, reconnaissant le potentiel de l’endettement lorsqu’il est bien géré. Il a mis en avant les réussites de nations asiatiques qui, après avoir subi des conflits majeurs, se sont relevées en investissant massivement dans le capital humain. Soglo a critiqué la tendance des financiers à négliger cet aspect, appelant à un changement de paradigme pour réellement servir les peuples.
La dette, si elle est mal contrôlée, reste un poison, comme l’a souligné Soglo. Elle nécessite une vigilance constante et un engagement à investir intelligemment dans le capital humain pour éviter d’accabler les générations futures avec des fardeaux financiers insoutenables. La rencontre au Chant d’Oiseau a été une plateforme pour reconsidérer ces enjeux cruciaux, affirmant que la gestion de la dette est intrinsèque à la souveraineté et à l’autonomie des nations africaines.
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