La coopération franco-allemande prend une nouvelle dimension avec l’ambitieux projet de fusion nucléaire, visant à révolutionner le secteur énergétique. L’entreprise allemande Bruker, en partenariat avec quatre autres industriels européens, dont le groupe français Alcen, a lancé la société Gauss Fusion. Ensemble, ces acteurs aspirent à connecter une centrale à fusion nucléaire d’une puissance d’un gigawatt au réseau électrique d’ici 2040.
Contrairement aux dissensions fréquentes entre Berlin et Paris sur la fission nucléaire, la fusion suscite un enthousiasme partagé. L’Allemagne, bien que se détournant de la fission, investit massivement dans la recherche et le développement de la fusion, consciente de ses potentialités. La France, quant à elle, continue d’affirmer son expertise avec des entreprises comme Alcen et sa filiale bordelaise Alsymex, leader dans le programme international Iter.
La fusion nucléaire, souvent qualifiée de « Saint Graal » énergétique, promet une source d’énergie quasi illimitée, décarbonée et sûre, produisant peu de déchets radioactifs à vie longue. Contrairement à la fission, qui divise des noyaux lourds, la fusion consiste à unir deux noyaux légers, générant ainsi une quantité massive d’énergie sous forme de chaleur. Ce processus, reproduisant les réactions se produisant au cœur des étoiles, demeure un défi technologique majeur.
Gauss Fusion mise sur l’approche du confinement magnétique pour maîtriser ce processus. La société privilégie le réacteur stellarator, une alternative au tokamak plus couramment étudié. Bien que complexe à construire, le stellarator offre l’avantage d’une production d’énergie continue, contrairement à la nature pulsée du tokamak. Frédérick Bordry, directeur technique de Gauss Fusion, met en avant l’expertise industrielle de la nouvelle entreprise et sa vision réaliste des grands projets.
Pour concrétiser ce projet, des défis considérables doivent être relevés. Le tritium, un isotope de l’hydrogène nécessaire à la réaction de fusion, est actuellement rare, avec seulement 25 kg disponibles dans le monde. La centrale de Gauss Fusion nécessiterait environ 150 kg de tritium par an. La création d’une boucle de génération et de consommation de tritium est donc cruciale pour la viabilité du projet.
Le financement représente un autre défi de taille. Gauss Fusion a déjà obtenu 17 millions d’euros de soutien initial, répartis entre les groupes industriels fondateurs et le gouvernement fédéral allemand. L’entreprise vise désormais à lever 40 millions d’euros supplémentaires, notamment en se tournant vers des investisseurs français et en postulant à des programmes de subventions comme France 2030.
La première centrale de fusion de Gauss Fusion, dont la construction pourrait commencer après 2027, devrait coûter environ 18 milliards d’euros. À long terme, l’objectif est de réduire ce coût à 10 milliards d’euros par centrale, comparable aux coûts des réacteurs EPR actuels. Selon Bordry, l’Europe aura besoin d’environ 200 centrales à fusion d’ici 2100, même avec une majorité d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.
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