L’expulsion récente de la France du Niger, marquant une rupture spectaculaire avec un passé colonial long et complexe, a ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire géopolitique du pays. Suite à un coup d’État en juillet, qui a vu le renversement de son leader pro-occidental, le Niger a évincé les forces françaises et mis fin à un accord de sécurité décennal avec les États-Unis. Cette transition abrupte reflète une volonté croissante du Niger de réaligner ses alliances internationales et de réévaluer ses accords économiques et militaires.
Le Niger a exprimé plusieurs reproches envers la France, reflétant une frustration croissante à l’égard de l’influence persistante de son ancien colonisateur. Ces critiques portent principalement sur la perception d’une ingérence continue dans les affaires internes du Niger et une certaine asymétrie dans les bénéfices économiques, en particulier dans l’exploitation des ressources naturelles comme l’uranium. Les autorités nigériennes reprochent à la France de favoriser ses propres intérêts économiques au détriment du développement local, ce qui a contribué à un sentiment de mécontentement populaire.
En outre, le soutien de la France au précédent régime perçu comme non représentatif ou corrompu a également alimenté des tensions, culminant avec l’expulsion des forces militaires françaises après le coup d’État, marquant ainsi une volonté manifeste du Niger de redéfinir sa souveraineté et ses alliances stratégiques.
La Russie en embuscade
Selon Bloomberg, Rosatom, le géant nucléaire d’État russe, a rapidement saisi cette opportunité pour approcher les nouvelles autorités militaires du Niger en vue d’acquérir des actifs d’uranium détenus par Orano SA, une entreprise contrôlée par l’État français. Selon des sources moscovites, ces discussions, encore à leurs débuts, n’ont pas encore abouti à des négociations formelles ni défini les termes d’une éventuelle transaction. Ce mouvement stratégique de la Russie s’inscrit dans une tentative plus large de renforcer sa présence en Afrique, région considérée comme cruciale pour ses intérêts économiques et sécuritaires.
Le prix de l’uranium a atteint un sommet en 17 ans, partiellement à cause de l’interruption des exportations du Niger, qui possède certaines des mines d’uranium de la plus haute qualité en Afrique. Cette situation met en lumière l’importance croissante du Niger dans le marché global de l’uranium et les possibles répercussions de ces changements d’alliance sur la sécurité énergétique européenne.
Rappelons que des responsables américains se sont rendus au Niger en mars pour exprimer leurs préoccupations concernant les « relations potentielles » de la junte avec la Russie et l’Iran. Les USA avaient même accusé Niamey de chercher à vendre de l’uranium à l’Iran, ce que le pays a démenti. Pendant ce temps, une délégation du Niger a assisté pour la première fois à l’événement phare de l’industrie nucléaire russe, le forum Atomexpo, organisé par Rosatom à Sotchi.
Si la Russie parvenait à signer une entente avec Niamey sur les actifs d’uranium du Niger, cela représenterait un défi majeur pour la France et pourrait provoquer un clivage significatif sur le marché mondial de l’uranium, selon Pendo Löfgren, directeur des investissements chez Arnova Capital AG. Cette situation complexifie encore plus les stratégies d’approvisionnement des pays alignés sur les États-Unis, qui sont déjà confrontés à des défis en matière de production domestique d’uranium.
Laisser un commentaire