Le gazoduc Maghreb-Europe (GME), inauguré en 1996, jouait un rôle crucial dans l’approvisionnement énergétique de l’Europe, transportant du gaz naturel algérien vers l’Espagne et le Portugal via le Maroc. Dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine, la sécurité énergétique de l’Europe est devenue un enjeu majeur. La diversification des sources d’approvisionnement en gaz est primordiale pour réduire la dépendance au gaz russe et garantir la stabilité économique du continent. Le GME représentait une alternative importante, capable de fournir jusqu’à 12 milliards de mètres cubes de gaz par an, contribuant ainsi à la résilience énergétique européenne.
Des révélations inattendues viennent d’être faites concernant la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe. Contrairement aux justifications politiques avancées initialement par les autorités algériennes, un ancien haut responsable de Sonatrach, la société publique algérienne en charge de la gestion du GME, a déclaré au média The Objective que la décision de fermer le gazoduc en août 2021 était motivée par des raisons économiques.
Le responsable algérien a expliqué que la baisse de la demande en gaz avait rendu l’exploitation de deux gazoducs superflue. La logique économique a donc prévalu, conduisant au choix du gazoduc le plus rentable pour les petites quantités de gaz livrées. Il a souligné que l’Algérie n’avait jamais interrompu l’approvisionnement en gaz du Maroc, car le gaz était destiné à l’Espagne. Le royaume chérifien autorisait le transit en échange d’une rémunération équivalente à 7% du gaz transitant.
Cette révélation met en lumière le décalage entre le discours politique et les réalités économiques. Le responsable algérien a insisté sur l’importance de comprendre que les positions politiques exprimées peuvent parfois être incompatibles avec les normes internationales, le discours politique étant souvent destiné à une audience interne.
Depuis la fermeture du GME, l’Algérie a continué à approvisionner l’Espagne en gaz via le Medgaz, un gazoduc reliant directement les deux pays. De son côté, le Maroc a adapté sa stratégie énergétique en utilisant le GME en sens inverse. Le royaume importe désormais du gaz naturel liquéfié (GNL) sur le marché international, le fait regazéifier en Espagne, puis l’achemine sur son territoire via le GME.
Cette situation a généré des tensions diplomatiques. L’Algérie a menacé de rompre son contrat gazier avec l’Espagne si du gaz algérien était livré au Maroc. Les autorités espagnoles ont assuré que le gaz envoyé au Maroc ne provenait pas d’Algérie. Néanmoins, les exportations de gaz de l’Espagne vers le Maroc ont connu une baisse significative entre février et mai, passant de 32% à 5% par rapport à la même période de l’année précédente.
Face à ces défis, le Maroc poursuit sa quête d’indépendance énergétique. Le royaume s’efforce de construire ses propres usines de regazéification pour mettre fin à sa dépendance vis-à-vis de l’Espagne. Parallèlement, Rabat maintient son projet ambitieux de gazoduc transatlantique avec le Nigeria, visant à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz.
Ces révélations sur la fermeture du GME illustrent la complexité des enjeux énergétiques en Méditerranée occidentale. Elles soulignent l’importance des facteurs économiques dans les décisions stratégiques, au-delà des considérations politiques affichées. La reconfiguration des flux gaziers dans la région témoigne de l’adaptabilité des pays face aux défis énergétiques et géopolitiques, dans un contexte mondial marqué par l’incertitude.
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