Carburant toxique importé en Afrique: Thomas Dietrich résiste à une décision de justice

Thomas Dietrich (Photo Facebook)

Dans les rues de Conakry, capitale guinéenne, le vrombissement des moteurs se mêle à l’odeur âcre d’un carburant dont la qualité est remise en question. Au cœur de cette polémique, un nom résonne : Addax Energy. Cette société suisse, filiale du groupe Addax & Oryx, se trouve dans la tourmente suite aux révélations du journaliste français Thomas Dietrich. Ce dernier, malgré une récente décision de justice suisse lui intimant le silence, persiste dans sa quête de vérité sur un scandale mêlant corruption présumée et importation de carburant toxique en Guinée.

L’or noir, une manne empoisonnée

Le marché de l’approvisionnement en carburant de la Guinée représente un enjeu colossal : six millions d’euros de commissions mensuelles. Un pactole qui aiguise les appétits et soulève des questions sur la transparence des processus d’attribution. Dans ce contexte, l’octroi du contrat à Addax Energy sans appel d’offres a fait l’effet d’une bombe. Cette décision unilatérale du régime de Mamadi Doumbouya rompt avec les pratiques antérieures et soulève des interrogations sur les motivations réelles de ce choix.

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Selon le journaliste français, l’opacité de la transaction est d’autant plus préoccupante que le négociant sélectionné est connu pour pratiquer des commissions parmi les plus élevées du secteur. De plus, Addax a déjà été pointée du doigt par l’ONG Public Eye pour l’importation de carburant de qualité inférieure en Afrique. Cette situation met en lumière un dilemme cruel : d’un côté, des profits substantiels pour une poignée d’acteurs, de l’autre, une population contrainte de payer le prix fort pour un carburant potentiellement nocif.

Un bras de fer judiciaire aux enjeux internationaux

Face à ces révélations embarrassantes, Addax Energy et son patron Jean-Claude Gandur, dont la fortune est estimée à deux milliards d’euros, ont choisi la voie judiciaire pour tenter de faire taire Thomas Dietrich. Le 31 juillet, le tribunal civil de Genève a rendu une décision en leur faveur, ordonnant au journaliste de cesser toute communication sur Addax et Gandur, et d’effacer ses tweets sur le sujet. Cette injonction, prononcée sans que Dietrich n’ait été entendu ni même informé de l’audience, s’appuie sur une procédure de « protection de personnalité » controversée.

Cette décision judiciaire s’apparente à un coup de massue pour la liberté d’expression et le journalisme d’investigation. Elle illustre la tension croissante entre le droit à l’information du public et les intérêts des puissants acteurs économiques. Thomas Dietrich, loin de baisser les bras, annonce son intention de combattre cette décision, envisageant même de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme si nécessaire.

Des implications bien au-delà des frontières guinéennes

L’affaire Addax en Guinée n’est que la partie émergée d’un iceberg aux ramifications complexes. Elle met en lumière les liaisons dangereuses entre intérêts économiques, pouvoir politique et diplomatie internationale. Jean-Claude Gandur, le milliardaire franco-suisse à la tête d’Addax & Oryx, bénéficierait de solides connexions dans les sphères du pouvoir à Paris selon le journaliste. Cette influence supposée prend une dimension particulière au regard du soutien affiché d’Emmanuel Macron au général Mamadi Doumbouya, actuel homme fort de la Guinée.

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Ce scandale soulève des questions cruciales sur la responsabilité des entreprises occidentales opérant en Afrique et sur le rôle des gouvernements européens dans la régulation de leurs activités à l’étranger.

Alors que Thomas Dietrich s’apprête à livrer une bataille juridique pour défendre son droit d’informer, l’affaire Addax devient le symbole d’une lutte plus large. Elle oppose ceux qui cherchent à lever le voile sur des pratiques commerciales controversées à ceux qui préfèrent maintenir le statu quo, quitte à sacrifier la santé publique et l’environnement sur l’autel du profit. L’issue de ce combat aura des répercussions bien au-delà des frontières de la Guinée, touchant au cœur même des relations entre l’Europe et l’Afrique, et questionnant notre conception de la justice dans un monde globalisé.

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