Alors qu’elle était attendue depuis le début de cette affaire, la réaction du gouvernement béninois est finalement intervenue à travers le porte-parole du gouvernement béninois. Selon Wilfried Léandre Houngbédji, le gouvernement n’a rien à voir dans cette affaire. Malheureusement, cette réaction, au lieu de clarifier la situation, sème davantage de confusion dans une affaire déjà très complexe.
«Ce n’est pas une affaire du gouvernement. Ce n’est pas le gouvernement qui l’a interpellé », a déclaré Wilfried Léandre Houngbédji, qui réagissait sur le dossier Steve Amoussou dont le déclenchement remonte au 12 août 2024. Pour nombre de Béninois, il était normal que le gouvernement réagisse sur cette affaire. Mais avec les propos tenus par le porte-parole de la présidence de la République, on comprend que le gouvernement de Patrice Talon ne veut pas se mêler de la situation entre Steve Amoussou, la justice béninoise et la justice togolaise. Et c’est justement là que de nouvelles interrogations surviennent.
Steve Amoussou n’a pas été interpellé
Même s’il ne s’agit pas d’une affaire du gouvernement, tous les Béninois savent, depuis le procès du 3 septembre dernier, que Steve Amoussou n’a jamais été interpellé. Il a plutôt été enlevé par quatre individus qui ne font pas partie des forces de l’ordre à l’étranger. Steve Amoussou a d’ailleurs identifié deux de ses « ravisseurs » qui séjournent désormais en prison après avoir été reconnus coupables et condamnés par la Criet au cours d’un procès public. Pourquoi le porte-parole de la présidence parle-t-il alors d’interpellation ? Ou alors, des civils sont-ils désormais habilités à interpeller des personnes dans notre pays ? Et même s’il s’agit d’une interpellation, tout le monde s’accorde sur le fait que ce n’est pas le rôle d’un gouvernement d’interpeller un citoyen comme l’a souligné le porte-parole.
D’ailleurs, avant la justice béninoise, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lomé avait, dans un communiqué rendu public un peu plus d’une semaine après le déclenchement de cette affaire, parlé également d’enlèvement. Il a même ouvert une information judiciaire toujours en cours, mais dont les premiers résultats ont conduit à l’interpellation, l’audition et la mise sous mandat de dépôt de deux personnes : une dame béninoise résidant à Lomé et un jeune étudiant togolais, conducteur de taxi-moto. Par ailleurs, trois Béninois sont recherchés par la justice togolaise avec des mandats d’arrêt internationaux émis à leur encontre. La situation est donc suffisamment grave pour que les autorités de notre pays réagissent.
Quand c’est l’affaire d’un Béninois, c’est aussi l’affaire du gouvernement
Dans sa déclaration, le porte-parole du gouvernement affirme clairement que cette affaire n’est pas celle du gouvernement. Et pour cause, ajoute-t-il, « ce n’est pas le gouvernement qui l’a interpellé ». Pourtant, l’affaire en question concerne bien l’enlèvement d’un citoyen béninois résidant au Togo. C’est donc bien l’affaire du gouvernement. Lorsqu’un citoyen français est tué dans une attaque terroriste dans n’importe quel pays au monde, on voit rapidement le gouvernement de la France monter au créneau pour dénoncer, fustiger et présenter des condoléances au peuple français. Comment comprendre alors que, dans une affaire où un compatriote a été enlevé en terre étrangère, le porte-parole de la présidence déclare que ce n’est pas l’affaire du gouvernement ?
Dans les affaires des opposants Madougou et Aïvo, les autorités avaient réagi, bien que ce ne fût pas le gouvernement qui les avait interpellés. Même le chef de l’État, Patrice Talon, s’est prononcé plusieurs fois sur leurs dossiers. Par ailleurs, dans l’affaire Steve Amoussou, l’image du Bénin est attaquée parce que les ravisseurs reconnus et identifiés aussi bien au Bénin qu’au Togo sont tous béninois, à quelques différences près. C’est donc l’affaire du gouvernement. Mieux, l’un de ceux identifiés au Togo comme ayant organisé l’enlèvement de Steve Amoussou, blanchi lors du procès du 3 septembre 2024, est un cadre béninois. Pis encore, ce cadre et deux autres personnes identifiées sont poursuivis par la justice togolaise, qui a émis contre eux des mandats d’arrêt internationaux. Le gouvernement du Bénin devrait-il rester insensible à une telle situation ? Une nouvelle interrogation surgit.
Enfin, le Togo a émis dans cette affaire des mandats d’arrêt internationaux contre trois Béninois. Parmi eux, deux ont été reconnus coupables au Bénin et condamnés. Les trois étaient d’ailleurs devant la Criet le 3 septembre, sans qu’au nom de la coopération judiciaire, les autorités béninoises n’aient jugé nécessaire de les mettre à la disposition de la justice togolaise pour que la lumière soit faite dans ce dossier. Il s’agit là encore d’une affaire du gouvernement, garant de la bonne relation entre le Bénin et les autres pays du monde, mais aussi du respect des lois et autres textes et accords auxquels le pays est partie. C’est donc l’affaire du gouvernement de travailler à entretenir de bonnes relations entre le Bénin et ses voisins.
Les Béninois attendent certainement plus de clarifications de la part du gouvernement dans cette affaire, qui s’avère bien la sienne. Rappelons que Steve Amoussou a été enlevé à Adidogomè dans la nuit du 12 août 2024, et qu’il s’est retrouvé, d’une manière restée à ce jour floue, aux mains de la police béninoise, inculpé par la Criet pour plusieurs chefs d’accusation. Son procès est attendu pour le 7 octobre prochain. Mais en attendant, ses ravisseurs ont été jugés et condamnés par la Criet au Bénin, alors qu’ils sont sujets à un mandat d’arrêt international émis par le Togo.
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