Affaire Longue Longue : au Cameroun, critiquer Paul Biya peut être dangereux

Simon Longkana Agno, dit Longue Longue, artiste camerounais de 51 ans, a bouleversé l’opinion publique en dévoilant une vidéo de sa torture présumée datant de 2019. Cette révélation ravive les inquiétudes sur la liberté d’expression au Cameroun, où les voix critiques peinent à se faire entendre. Devenu célèbre en 2001 avec son titre « Ayo Africa« , l’artiste y dénonçait le colonialisme et le népotisme des dirigeants africains. Sa musique, mélange de makossa traditionnel et de textes engagés, a fait de lui une figure majeure de la contestation artistique au Cameroun.

Des chansons aux représailles

La descente aux enfers de Longue Longue débute après l’élection présidentielle de 2018. Soutien d’Akere Muna puis de Maurice Kamto, il affirme publiquement la victoire de ce dernier face à Paul Biya. Une prise de position qui lui vaut d’être arrêté dans un hôtel de Bonanjo, quartier des affaires de Douala. La vidéo récemment dévoilée montre l’artiste en sous-vêtements, menotté, subissant des coups de machette plate sur la plante des pieds. Cette méthode de torture, particulièrement cruelle, aurait été pratiquée par des agents de la sécurité militaire selon ses déclarations.

Une répression systématique des voix dissidentes

La publication de ces images a provoqué une vague d’indignation. Maurice Kamto dénonce une « barbarie d’État » tandis que le député Cabral Libii fustige la « cruauté » des « commandants de la République ». L’avocat Akere Muna, candidat à la prochaine présidentielle, exige une « condamnation sans équivoque ». Face à la pression, le ministère de la Défense a annoncé l’ouverture d’une enquête, promettant d’établir les responsabilités. En 2019, après sa détention, Longue Longue était réapparu dans une vidéo troublante où, à genoux devant un patriarche du Nkam, il implorait le pardon du couple présidentiel, évoquant son désir de « voir ses enfants grandir« .

Un exil forcé et des menaces persistantes

Aujourd’hui réfugié en France depuis trois mois, Longue Longue continue de craindre pour sa sécurité et celle de sa famille restée au Cameroun. La publication de la vidéo, transmise par un contact aux États-Unis, a déclenché des menaces de représailles contre ses proches. L’artiste avoue avoir quitté son pays par peur des conséquences de la prochaine élection présidentielle. Cette affaire témoigne des risques encourus par les artistes engagés au Cameroun, où la critique du pouvoir peut mener à la torture, à l’exil, voire pire encore.