Le vent de la souveraineté qui souffle sur le Niger depuis le changement de régime de juillet 2023 continue d’ébranler les intérêts français. Après l’expulsion des 1.500 militaires français et le départ forcé de l’ambassadeur de France, le géant français de l’uranium Orano se voit contraint de suspendre sa production. Cette nouvelle étape marque l’aboutissement d’une politique de réappropriation des ressources naturelles menée par la junte militaire nigérienne, qui a multiplié les partenariats avec la Russie et l’Iran. Le pays sahélien, longtemps considéré comme le « garde-manger » nucléaire de la France, affirme ainsi sa volonté de redéfinir ses relations avec son ancienne puissance coloniale.
Une suspension de production sous contrainte
La décision est tombée : Orano va suspendre sa production d’uranium au Niger à partir du 31 octobre. Cette suspension historique intervient après des mois de tensions et de blocages, notamment l’impossibilité d’exporter le minerai via les frontières fermées avec le Bénin. Les tentatives de solutions alternatives, comme l’exportation aérienne via la Namibie, sont restées lettre morte face à la détermination des autorités nigériennes. Le groupe français, dont l’État possède 90% du capital, se retrouve avec 1.050 tonnes de concentré d’uranium bloquées, représentant une valeur marchande de 300 millions d’euros.
Une transition sous haute surveillance
La suspension des activités d’Orano soulève de nombreuses questions environnementales et sociales. Les organisations de la société civile nigérienne, notamment la CRESCA et le ROTAB, exigent des garanties solides concernant le réaménagement des sites, la dépollution des nappes phréatiques et la gestion des déchets radioactifs. Le sort des 780 employés et autant de sous-traitants, presque tous nigériens, reste une préoccupation majeure, même si Orano s’engage à maintenir leur rémunération jusqu’à fin 2024.
Le Niger reprend les rênes de son uranium
Les autorités nigériennes ne cachent pas leur ambition de reprendre le contrôle de leurs ressources uranifères. La création récente de la société d’État « Timersoi National Uranium Company » témoigne de cette volonté. Le pays, qui fournit 4,7% de la production mondiale d’uranium naturel, dispose d’atouts considérables, notamment le gisement d’Imouraren dont le permis d’exploitation a été retiré à Orano en juin. Pour Orano, les conséquences financières sont déjà visibles avec une perte de 133 millions d’euros au premier semestre 2024. Le groupe tente de rassurer ses clients en mettant en avant ses autres sources d’approvisionnement au Canada et au Kazakhstan, mais la suspension de production au Niger représente un revers stratégique majeur pour la France
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