Vision 2030 : des milliers de morts dans ce pays arabe

Photo: DR

Lancé en grande pompe par le prince héritier Mohammed ben Salmane dans le cadre de la Vision 2030, « THE LINE » se présente comme un projet révolutionnaire d’urbanisme et d’écologie en plein désert saoudien. Destinée à être la première ville sans voiture, sans route et entièrement sans émission de gaz à effet de serre, cette ville linéaire de 170 kilomètres de long, 200 mètres de large et 500 mètres de hauteur devrait accueillir près de 9 millions d’habitants sur une superficie de 34 kilomètres carrés, un record en termes de densité. Cependant, au-delà des promesses futuristes, de nombreuses voix s’élèvent contre les conséquences humaines et sociales de ce chantier colossal, marqué par des conditions de travail éprouvantes et un lourd bilan humain.

En dépit des ambitions écologiques affichées, les conditions de travail des milliers de travailleurs étrangers qui œuvrent à la concrétisation de ce projet restent préoccupantes. Les chantiers de THE LINE, et plus largement les projets associés à la Vision 2030, s’appuient en grande majorité sur une main-d’œuvre étrangère venue d’Asie du Sud et d’Afrique. Ces travailleurs, souvent recrutés avec la promesse d’une vie meilleure, se retrouvent face à des conditions de travail extrêmement rudes, caractérisées par des horaires de travail pouvant atteindre jusqu’à 84 heures par semaine pour une faible rémunération.

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Selon une enquête du Daily Mail, environ 21 000 travailleurs étrangers auraient perdu la vie dans des accidents ou à cause de conditions de travail particulièrement difficiles depuis le lancement des projets de Vision 2030. La chaleur extrême du désert saoudien, les longues heures de travail sans repos adéquat et l’absence de mesures de sécurité suffisantes font partie des raisons avancées pour expliquer ces chiffres alarmants.

L’Arabie saoudite, comme d’autres pays du Golfe, dépend fortement de la main-d’œuvre migrante pour mener à bien ses ambitieux projets d’infrastructures. Cependant, les ONG internationales de défense des droits humains dénoncent de plus en plus la manière dont ces travailleurs sont traités. Ceux-ci subissent non seulement des conditions de travail très dures, mais font également face à des limitations strictes dans leurs droits. Certains travailleurs, confrontés au système de la kafala, se retrouvent souvent en situation de dépendance totale vis-à-vis de leur employeur. Ils sont parfois contraints de travailler sans congé pendant 14 jours consécutifs et vivent dans des logements précaires, loin des standards que pourrait imposer un projet de cette ampleur.

Des témoignages rapportés par des associations et ONG présentes dans la région décrivent des conditions de vie marquées par une quasi-absence de liberté. De nombreux travailleurs étrangers, ayant souvent payé des frais de recrutement élevés pour obtenir un emploi, se retrouvent piégés dans des situations d’exploitation et ne peuvent pas quitter leur travail sans risquer d’énormes pertes financières.

Derrière l’image futuriste de cette ville de 170 kilomètres en ligne droite, conçue pour répondre aux problématiques environnementales, l’aspect social semble prendre le second plan. Pour de nombreux observateurs, THE LINE illustre le paradoxe d’une modernisation rapide, axée sur le développement technologique et écologique, mais peu soucieuse de l’impact social et humain. Les critiques estiment que ce modèle de croissance, bien que séduisant sur le papier, dissimule un lourd bilan humain.

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Les projets de cette envergure sont souvent accompagnés d’un discours qui glorifie l’innovation, les technologies vertes et les initiatives durables. Cependant, ces belles promesses semblent bien souvent inaccessibles aux travailleurs qui permettent la réalisation de ces chantiers. Alors que la ville sans route et à zéro émission prend forme, la question de la protection et de la dignité des travailleurs reste, elle, insuffisamment abordée.

Face à la hausse de ces dénonciations, plusieurs organisations internationales appellent à une réforme du traitement réservé aux travailleurs étrangers dans le cadre de ces grands projets. Human Rights Watch et Amnesty International, entre autres, pressent l’Arabie saoudite de mettre en œuvre des réformes concrètes pour protéger les droits des travailleurs et éviter que les erreurs passées ne se perpétuent sur les futurs chantiers de la Vision 2030.

La question des droits des travailleurs a été soulevée lors de plusieurs forums internationaux. De nombreuses associations de défense des droits humains appellent la communauté internationale à exercer une pression accrue sur les autorités saoudiennes pour améliorer les conditions de vie et de travail de la main-d’œuvre migrante. En dépit des protestations et des pressions, le royaume n’a pour l’instant fait état d’aucune réforme en profondeur, laissant craindre que d’autres travailleurs continuent de subir des conditions précaires.

Le projet de THE LINE, tout en illustrant les ambitions démesurées de l’Arabie saoudite, soulève également des interrogations sur la durabilité sociale de ces grands projets. Si cette mégalopole futuriste voit le jour, elle pourrait transformer le paysage urbain du pays, mais à quel prix ? La modernité écologique que le royaume veut incarner ne devrait-elle pas s’accompagner d’un profond respect des droits humains ?

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