L’armée française traverse actuellement une période charnière marquée par des défis considérables. Les retards dans la modernisation des équipements, combinés à des contraintes budgétaires persistantes et à l’usure intensive du matériel lors des opérations extérieures, ont généré des lacunes capacitaires importantes. Face à l’évolution rapide des menaces et aux enseignements tirés des conflits récents, notamment en Ukraine, l’institution militaire française doit repenser en profondeur son organisation et ses moyens d’action.
Une révolution tactique inspirée du terrain ukrainien
Le conflit en Ukraine a bouleversé les paradigmes traditionnels du combat terrestre. La multiplication des drones FPV (First Person View) et des munitions téléopérées a créé un champ de bataille hautement numérisé, où la maîtrise du spectre électromagnétique devient cruciale. Les régiments d’infanterie français doivent désormais maîtriser de nouvelles compétences : lutte antidrone, utilisation des mortiers de 120 mm pour les feux indirects, et surtout, guerre électronique. Cette adaptation tactique majeure rompt avec l’organisation précédente, où la guerre électronique relevait exclusivement des 44e et 54e régiments de transmissions et de la 785e compagnie spécialisée.
Le projet ISIS : démocratiser la guerre électronique
Pour répondre à ces nouveaux impératifs, la Section technique de l’armée de Terre (STAT) développe le projet ISIS. Cette innovation technologique vise à équiper les unités d’infanterie d’un système capable d’identifier automatiquement les sources d’interférences et de cartographier en temps réel la situation tactique. En collaboration avec l’entreprise TRAAK et le Laboratoire de Génie électrique et électronique de Paris, ce projet permettra aux soldats non spécialistes d’analyser le spectre radio, de localiser les émetteurs et de caractériser les signaux détectés. Cette démocratisation des capacités de guerre électronique suit l’exemple de l’US Army, qui a déjà créé des pelotons spécialisés au sein de ses brigades de combat.
Une transformation structurelle profonde
La réorganisation en cours témoigne d’une mutation profonde de l’armée française. La création de la Brigade de renseignement et cyber-électronique (BRCE), rattachée au Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR), illustre cette évolution. Les systèmes existants comme LINX, CATIZ, ou EMILIE seront complétés par les nouvelles capacités décentralisées d’ISIS. Cette transformation doit permettre aux forces françaises d’établir des communications résilientes dans des environnements dégradés et de maintenir leur efficacité opérationnelle face aux menaces émergentes. La maîtrise du spectre radiofréquence devient ainsi un enjeu stratégique majeur, conditionnant la réussite des engagements collaboratifs futurs.
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