Traditionnellement, les secrets militaires font l’objet de protections rigoureuses au sein des forces armées françaises. Les informations sensibles concernant les équipements, les mouvements de troupes et particulièrement tout ce qui touche à la dissuasion nucléaire demeurent strictement confidentielles pour garantir l’efficacité opérationnelle et la sécurité nationale. Pourtant, une application sportive grand public vient de créer une brèche significative dans ce dispositif de sécurité.
La technologie connectée trahit les sous-mariniers
Une enquête du Monde révèle que l’application Strava, destinée aux sportifs, compromet actuellement la confidentialité des opérations à la base navale de l’île Longue, près de Brest. Cette installation, pourtant ultra-sécurisée, abrite la composante navale de la force de dissuasion nucléaire française. Les montres connectées utilisées par certains militaires enregistrent leurs activités physiques et les transmettent à la plateforme Strava, créant ainsi des traces numériques qui permettent de déduire les périodes de patrouille des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). L’absence soudaine d’activité sur un profil, suivie d’une réapparition massive de données plusieurs semaines plus tard, signale clairement les départs et retours de mission.
Une faille persistante malgré les alertes
Cette vulnérabilité n’est pas nouvelle. Sept années se sont écoulées depuis qu’une première alerte avait été lancée par Le Télégramme, sans que des mesures efficaces n’aient été prises. Si l’utilisation des smartphones est strictement interdite dans de nombreuses zones de la base, les montres connectées semblent avoir échappé à la vigilance des responsables de la sécurité. Ces appareils accumulent les données même en l’absence de connexion, avant de les synchroniser en bloc, révélant ainsi les cycles opérationnels des sous-marins. Plus préoccupant encore, les profils publics des militaires sur Strava permettent leur identification précise, les exposant potentiellement à des pressions ou des manipulations de la part de puissances étrangères.
Des répercussions sur la sécurité nationale
La gravité de ces fuites d’informations prend une dimension particulière compte tenu du rôle stratégique des SNLE. La présence permanente d’au moins un sous-marin en mer constitue un pilier essentiel de la dissuasion nucléaire française. La marine nationale, bien que reconnaissant l’existence de ces négligences, minimise leur impact en parlant d’une « situation problématique » plutôt que d’un « risque majeur ». Cette vulnérabilité numérique ne se limite pas aux forces armées : à l’automne 2024, la même application avait permis de tracer les déplacements des officiers de sécurité de plusieurs chefs d’État, dont Emmanuel Macron et Joe Biden. Face à ces révélations, la Maison Blanche avait réagi promptement, tandis que l’Élysée avait choisi de minimiser les risques, illustrant des approches divergentes dans la gestion de la sécurité à l’ère du numérique.
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