L’empire économique de Vincent Bolloré s’est édifié sur des fondations africaines solides depuis plusieurs décennies. Le milliardaire breton a transformé l’entreprise familiale en conglomérat international grâce à une stratégie d’acquisition agressive des infrastructures portuaires et logistiques à travers le continent africain. Cette expansion spectaculaire – notamment via sa filiale Bolloré Africa Logistics présente dans plus de 40 pays – a généré des profits considérables jusqu’à sa cession pour 5,7 milliards d’euros en 2022. Mais cette prospérité s’accompagne d’accusations persistantes concernant des méthodes controversées: financement de campagnes électorales, relations privilégiées avec des chefs d’État, et obtention de contrats dans des conditions douteuses.
Poursuite juridique exceptionnelle
Une démarche judiciaire sans précédent a été engagée contre le groupe Bolloré à Paris. Le 18 mars dernier, un consortium de onze ONG issues de différents pays africains a saisi le parquet national financier. Ces organisations, actives en République Démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Cameroun, Togo, Guinée et Ghana, ont déposé une plainte pour « blanchiment d’argent » et « recel » concernant les opérations logistiques et portuaires de l’entreprise sur le continent.
L’aspect novateur de cette action judiciaire tient à son fondement légal. Les ONG invoquent la convention de Mérida, récemment incorporée dans le droit français en 2021. Ce mécanisme juridique permettrait de réaffecter aux populations affectées les sommes provenant d’activités corrompues. L’enjeu principal serait d’examiner minutieusement les 5,7 milliards d’euros issus de la vente de la filiale africaine pour déterminer quelle portion pourrait être considérée comme mal acquise et donc restituable aux communautés lésées.
Un système d’influences contesté
Les accusations portent sur un ensemble de pratiques que les plaignants considèrent comme systémiques. L’argumentaire s’appuie notamment sur les aveux du groupe dans une convention judiciaire de février 2021, reconnaissant avoir couvert les dépenses de communication électorale du président togolais Faure Gnassingbé. Cette intervention aurait été récompensée par une extension de concession portuaire à Lomé et divers avantages fiscaux.
Selon les ONG, des structures similaires auraient été identifiées dans plusieurs nations africaines. Les plaignants dénoncent les liens personnels établis par l’industriel avec diverses personnalités influentes africaines pour obtenir des traitements préférentiels. La vente de la filiale Africa Logistics en 2022 est qualifiée par les accusateurs de tentative de légitimation de capitaux acquis par des moyens contestables.
Les militants anticorruption impliqués dans cette affaire affirment avoir documenté un réseau complexe de trafic d’influence et de conflits d’intérêts. Ces manœuvres auraient notamment visé à influencer des résultats électoraux pour sécuriser la gestion d’infrastructures portuaires stratégiques et générer d’importants bénéfices, ultimement rapatriés en France.
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