Afrique: ce domaine dans lequel la Chine s’impose en silence

(Michele Spatari - Getty Images)

Depuis les années 2000, la Chine a progressivement renforcé sa présence en Afrique à travers plusieurs secteurs stratégiques. D’abord par des investissements massifs dans les infrastructures routières et ferroviaires, puis dans l’exploitation minière et les télécommunications, Pékin a méthodiquement tissé sa toile sur le continent. Les prêts accordés à de nombreux pays africains, la construction d’édifices symboliques comme les palais présidentiels ou les stades, et l’implantation de zones économiques spéciales ont marqué cette expansion. La stratégie chinoise combine soft power culturel (instituts Confucius, bourses d’études) et hard power économique, créant des relations d’interdépendance asymétriques. Aujourd’hui, c’est dans un secteur moins médiatisé mais hautement stratégique que la Chine déploie sa puissance en Afrique: les infrastructures portuaires, véritables portes d’entrée du commerce mondial et points d’appui potentiels pour sa marine.

Une mainmise maritime aux dimensions continentales

L’expansion portuaire chinoise sur le littoral africain atteint une ampleur significative. Un rapport récent du Centre d’études stratégiques de l’Afrique révèle que près d’un port africain sur trois (33%) bénéficie d’une participation chinoise, que ce soit au niveau du financement, de la construction ou de l’exploitation. Cette proportion dépasse considérablement celle observée dans d’autres parties du globe, où la présence portuaire chinoise reste bien plus modeste – notamment en Amérique latine et aux Caraïbes où à peine une dizaine d’installations portuaires portent la marque de Pékin.

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Le géant asiatique a déployé ses investissements portuaires de manière stratégique à travers tout le continent. La façade atlantique africaine concentre environ 45% de ces projets, tandis que la côte orientale en accueille approximativement un cinquième. Le sud et le nord du continent se partagent le reste, avec respectivement 15 et 11 infrastructures portuaires impliquant des entreprises chinoises. Au total, ce sont les deux tiers des nations africaines qui abritent au moins un port développé avec le concours de Pékin.

Entre commerce et influence géopolitique

L’engagement portuaire chinois en Afrique offre un retour sur investissement exceptionnellement favorable. Pour chaque dollar injecté dans ces installations, l’empire du Milieu récupère plus d’une dizaine de dollars en échanges commerciaux, selon les analyses de cabinets financiers internationaux. Ce multiplicateur économique justifie à lui seul l’intérêt chinois pour ces infrastructures.

Toutefois, l’aspect financier ne représente qu’une facette de cette stratégie. En détenant les droits d’exploitation portuaire, les opérateurs chinois acquièrent un pouvoir considérable sur les flux commerciaux. Ils déterminent quels navires peuvent accoster et à quelles conditions, offrant naturellement des avantages aux bâtiments battant pavillon chinois ou transportant des marchandises de l’empire du Milieu. Cette position de régulateur des entrées et sorties maritimes constitue un levier d’influence économique majeur.

Plus révélateur encore, près de la moitié des installations portuaires où la Chine est impliquée ont déjà accueilli des navires militaires de la marine chinoise. Des ports comme ceux de Maputo, Dar es-Salaam, Lagos ou Durban ont servi de points d’escale ou de sites d’exercices militaires pour l’Armée populaire de libération. Ces installations possèdent les caractéristiques techniques permettant l’accueil de bâtiments de guerre, ce qui les positionne comme des candidats potentiels pour l’établissement futur de bases navales permanentes.

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Opportunités et risques d’une Afrique aux couleurs de la Chine

L’investissement chinois dans les infrastructures portuaires africaines présente des avantages indéniables pour le continent. Il comble un déficit d’infrastructures criant, dynamise le commerce international et crée des emplois locaux.

Les ports modernisés augmentent la compétitivité des économies africaines et facilitent leur intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Pour nombre de pays africains aux ressources limitées, ces partenariats avec Pékin représentent souvent la seule opportunité réaliste de développer des infrastructures modernes.

Cependant, cette dépendance croissante envers un partenaire unique comporte des risques substantiels. Les contrats portuaires, souvent signés pour des durées très longues (parfois 99 ans), limitent la souveraineté des nations africaines sur ces points d’entrée vitaux. La double utilisation civile et militaire de ces infrastructures soulève également des questions de sécurité nationale. En cas de tensions géopolitiques, ces ports pourraient devenir des points de friction, transformant les pays hôtes en terrains d’affrontement entre grandes puissances. Enfin, le modèle de développement proposé par la Chine, centré sur l’extraction des ressources africaines et l’importation de produits manufacturés chinois, risque de perpétuer la position périphérique de l’Afrique dans l’économie mondiale plutôt que de favoriser son industrialisation véritable.

2 réponses

  1. Avatar de (@_@)
    (@_@)

     » cette dépendance …comporte des risques substantiels, limitent la souveraineté des nations africaines » ça,
    quand on passe son temps à marcher à reculons (époque coloniale, 400 ans d’esclavage, etc…) au lieu de considérer les enjeux du moment avec une stratégie tournée vers le futur, c’est le risque.

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    (@_@)

    1. Avatar de (@_@)
      (@_@)

      l suffit pour confirmer ça de voir ce qui est arrivé au Sri Lanka. Les autorités se sont endettées et finissent avec un port – sur lequel elles n’ont pratiquement plus d’autorité – dont la construction a ravagé l’environnement avant de tendre vers une base militaire.

      Forcément, l’Inde n’est pas restée passive.

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      (@_@)

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