Durant la présidence de Macky Sall (2012-2024), le Sénégal s’était forgé une réputation d’élève modèle économique en Afrique de l’Ouest. Le gouvernement sénégalais avait régulièrement mis en avant des taux de croissance impressionnants, oscillant entre 6% et 7% avant la pandémie, grâce notamment au Plan Sénégal Émergent (PSE) lancé en 2014. Les autorités vantaient une gestion rigoureuse des finances publiques, une politique d’investissements ambitieuse dans les infrastructures et l’attraction d’investissements étrangers significatifs. Cette image de bonne gouvernance économique avait permis au Sénégal de bénéficier de la confiance des institutions financières internationales et d’accéder aux marchés financiers à des conditions favorables, consolidant apparemment sa position de pôle de stabilité économique dans la région.
Une dette délibérément sous-estimée pendant cinq ans
La mission du FMI au Sénégal vient de confirmer les conclusions alarmantes du rapport de la Cour des comptes sénégalaise. Selon Eddy Gemayel, chef de la délégation du FMI, « il y a eu une décision très consciente de sous-estimer le stock de la dette » durant les cinq dernières années du mandat de Macky Sall. Cette manipulation délibérée aurait permis au gouvernement précédent de continuer à emprunter sur les marchés financiers à des taux avantageux, présentant artificiellement un profil d’endettement plus favorable qu’il ne l’était réellement.
Le montant de cette dette dissimulée s’élèverait à environ 7 milliards de dollars, une somme considérable pour l’économie sénégalaise. Cette révélation a entraîné la suspension d’un programme d’aide du FMI d’un montant de 1,8 milliard d’euros, compromettant gravement les perspectives économiques à court terme du pays.
Les conditions de reprise du programme d’aide
Le FMI a clairement établi que la reprise du programme d’aide financière ne pourra intervenir qu’après une identification précise des mécanismes ayant permis cette dissimulation. Les nouvelles autorités sénégalaises, arrivées au pouvoir il y a un an, devront faire preuve de transparence totale concernant l’état réel des finances publiques.
Cette situation met en lumière un contraste saisissant entre l’image économique projetée par l’administration Sall et la réalité des finances publiques sénégalaises. Elle soulève également des questions fondamentales sur les contrôles internes et la surveillance exercée par les institutions financières internationales, qui n’ont pas détecté ces irrégularités pendant plusieurs années.
Perspectives économiques pour le Sénégal
Les révélations sur la dette cachée placent le Sénégal dans une position délicate. Le gouvernement actuel doit désormais naviguer entre la nécessité de redresser les finances publiques et celle de maintenir les investissements essentiels au développement du pays. L’assainissement des comptes publics risque d’imposer des mesures d’austérité qui pourraient freiner la croissance économique à court terme.
La confiance des investisseurs et des partenaires internationaux a été ébranlée, ce qui pourrait se traduire par une hausse des taux d’intérêt pour les futurs emprunts du Sénégal sur les marchés financiers. La reprise du programme d’aide du FMI est cruciale, non seulement pour les 1,8 milliard d’euros en jeu, mais aussi pour le signal de confiance qu’elle enverrait aux autres bailleurs de fonds et investisseurs.
Risques judiciaires pour l’ancien président
Ces révélations exposent Macky Sall à de potentielles poursuites judiciaires. La dissimulation délibérée de dette publique pourrait constituer une violation grave des lois sénégalaises sur la gestion des finances publiques. Plusieurs membres de son ancien gouvernement, notamment les ministres des Finances successifs, pourraient également être inquiétés.
La confirmation par une institution internationale comme le FMI renforce la crédibilité des accusations et pourrait accélérer l’ouverture d’enquêtes judiciaires. L’ancien président, qui jouissait jusqu’à présent d’une certaine aura internationale, voit son héritage politique sérieusement entaché, et sa responsabilité personnelle pourrait être engagée dans ce qui apparaît comme une manipulation systématique des comptes publics sur plusieurs années.
Laisser un commentaire