Maghreb: les transferts d’Europe menacés, vive inquiétude

Photo de Eduardo Soares sur Unsplash

La directive européenne sur les services bancaires transfrontaliers, adoptée en 2023 et dont l’application progressive s’étend jusqu’en 2026, impose de nouvelles contraintes aux institutions financières non-européennes opérant dans l’Union. Ce texte exige notamment que les banques étrangères disposent d’une filiale dotée d’un capital propre substantiel dans chaque pays membre où elles souhaitent exercer, plutôt que de simples succursales. Cette réforme vise officiellement à renforcer la stabilité du système financier européen et la protection des déposants, mais suscite de vives inquiétudes au Maghreb où les transferts des diasporas constituent une manne financière vitale.

Une mobilisation marocaine face à la menace

Face à cette directive perçue comme hostile, le Maroc a rapidement constitué une « task force permanente » réunissant régulateur, banques, ministère des Affaires étrangères et ministère de l’Économie et des Finances. Cette cellule de crise travaille déjà activement et a entamé des négociations avec les institutions européennes, notamment la Commission et sa direction FISMA (stabilité financière, services financiers et union des marchés des capitaux).

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L’équipe marocaine a également pris contact avec plusieurs autorités nationales européennes – France, Espagne, Italie, Belgique et Pays-Bas en tête – ainsi qu’avec leurs banques centrales respectives. L’objectif est double : obtenir des clarifications sur les interprétations variables de la directive selon les pays, et défendre les intérêts marocains.

Le gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, a mis en garde contre la variation possible des applications nationales de cette législation européenne, chaque État membre devant adapter le texte à son propre cadre juridique, créant ainsi un paysage réglementaire potentiellement fragmenté.

Des enjeux économiques majeurs et des solutions alternatives

Selon le patron de la banque centrale marocaine, cette question revêt une importance capitale pour l’économie nationale, impactant directement l’équilibre des comptes extérieurs et le système bancaire, où l’épargne des Marocains de l’étranger constitue près d’un cinquième des dépôts totaux.

Le responsable financier n’a pas caché son mécontentement face à la formulation de cette réglementation européenne, qu’il perçoit comme une tentative à peine voilée de maintenir les capitaux de la diaspora au sein de l’Union européenne plutôt que de permettre leur rapatriement vers le pays d’origine.

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Les autorités marocaines explorent actuellement diverses alternatives, y compris des solutions numériques, pour maintenir les flux de transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) qui risquent d’être perturbés par cette nouvelle réglementation européenne. Ces transferts, essentiels pour l’économie du royaume, pourraient être compromis si les banques marocaines ne peuvent plus opérer efficacement en Europe pour collecter l’épargne de la diaspora.

L’enjeu dépasse largement le cadre technique bancaire : il s’agit d’une question stratégique touchant aux relations économiques euro-maghrébines et à la survie d’un canal financier vital pour les économies nord-africaines.

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