Les relations entre la Tunisie et la Libye traversent une période de fortes tensions à la suite d’un incident aussi inhabituel qu’inattendu : la condamnation d’un citoyen libyen, Wassim Chakma, à cinq ans de prison ferme pour avoir transporté 150 kg de couscous.
Cette peine, jugée disproportionnée en Libye, a déclenché une vague de représailles contre les ressortissants tunisiens, dont une cinquantaine ont été arrêtés sous prétexte de lutte contre la contrebande, comme le révèle Mostafa Abdelkebir, président de l’Observatoire tunisien des Droits de l’Homme.
Sur les réseaux sociaux, le débat fait rage. Les Libyens défendent leurs mesures de rétorsion tandis que de nombreux Tunisiens reconnaissent le caractère excessif de la condamnation de Chakma. Certains proches du régime tunisien justifient cependant cette décision en rappelant que « le couscous est compensé par l’État » et donc principalement destiné aux citoyens tunisiens, un argument fragile face à la réalité du commerce transfrontalier.
Un conflit enraciné dans l’économie informelle
Cette affaire de couscous n’est que la partie visible d’un problème bien plus profond. Le commerce informel entre les deux pays constitue depuis des décennies une source de revenus essentielle pour des milliers de familles de part et d’autre de la frontière. Les autorités libyennes ont récemment intensifié la lutte contre la contrebande de carburant, saisissant de nombreux véhicules tunisiens aux réservoirs modifiés pour transporter davantage d’essence, bien moins chère en Libye qu’en Tunisie.
L’instabilité politique en Libye depuis la chute de Kadhafi en 2011 complique encore la situation. L’absence d’un État central fort et la présence de groupes armés contrôlant certaines zones frontalières rendent imprévisibles les décisions des autorités libyennes et fragilisent la coopération bilatérale, chaque pays privilégiant une approche coercitive au risque d’aggraver les tensions.
Vers une solution diplomatique
Face à cette escalade dangereuse, seul un dialogue renouvelé pourrait apaiser les tensions. Une révision de la condamnation de Wassim Chakma constituerait un premier pas, mais l’équilibre sera difficile à trouver entre la souveraineté juridique et le pragmatisme économique nécessaire dans cette région où l’économie informelle reste vitale pour de nombreuses familles des deux côtés de la frontière.
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