La sécurité en Afrique de l’Ouest est mise à rude épreuve depuis plusieurs années. Entre les conflits intercommunautaires récurrents, l’insécurité causée par les groupes djihadistes dans la région sahélienne, et les crises politiques provoquées par les coups d’État successifs, la région peine à trouver un équilibre. À ces défis sécuritaires s’ajoute une nouvelle menace : celle des activités criminelles enracinées dans des zones protégées, profitant souvent d’une certaine faiblesse des institutions pour s’implanter durablement. La récente opération au Ghana illustre parfaitement cette problématique émergente.
La forêt de Subri sous emprise criminelle
Imaginez une ville improvisée, nichée clandestinement au cœur d’une réserve naturelle autrefois célèbre pour sa biodiversité exceptionnelle. Voilà ce qu’était devenue la forêt de Subri, située à l’ouest du Ghana, avant que les autorités ne décident d’intervenir fermement le 15 avril dernier. Cette zone écologique, jadis préservée, était devenue le fief du gang des Budos, groupe particulièrement dangereux équipé d’armes de guerre telles que des fusils AK-47 et des fusils à pompe, capable d’imposer sa loi sur un territoire étendu.
Sous leur domination, la forêt s’est rapidement transformée en un foyer de criminalité où cohabitaient l’exploitation minière illégale, le trafic humain, la prostitution et le blanchiment d’argent. Ces activités, très lucratives, attiraient des milliers de personnes venues du Nigeria, du Burkina Faso, de Guinée, du Mali, du Niger, ainsi que du Ghana lui-même. Cette présence étrangère massive révèle une dynamique régionale, où les frontières deviennent poreuses face à l’appât du gain rapide.
Quand l’or alimente les crises sécuritaires
L’extraction clandestine d’or, appelée localement « galamsey », n’est pas un phénomène nouveau au Ghana. Déjà en 2017, le président Nana Akufo-Addo avait promis la fin de ces pratiques destructrices pour l’environnement. Pourtant, malgré les annonces, les galamseys se sont multipliés, donnant naissance à des réseaux structurés qui exploitent non seulement les ressources naturelles, mais aussi les populations vulnérables attirées par les promesses d’argent facile.
Le démantèlement de cette ville criminelle, qui a entraîné l’évacuation forcée de plus de 10 000 individus, montre à quel point ces exploitations minières clandestines représentent désormais une menace bien plus sérieuse qu’un simple désastre écologique. La présence de gangs puissamment armés, capables de tenir tête aux forces de sécurité, accentue encore la fragilité des institutions locales et risque de créer des zones hors contrôle semblables à celles observées ailleurs dans la région, notamment au Sahel.
Une opération complexe aux conséquences incertaines
Cette intervention menée à l’aube par une coalition de militaires et de gestionnaires forestiers démontre la volonté des autorités de reprendre le contrôle sur des espaces longtemps négligés. Toutefois, si l’objectif immédiat a été atteint, les défis restent nombreux. L’évacuation forcée soulève d’importantes questions humanitaires, notamment sur le devenir des milliers de personnes expulsées, dont beaucoup sont désormais déplacées sans ressources ni alternative immédiate.
La lutte contre la criminalité organisée, imbriquée à des réseaux économiques et sociaux profonds, requiert bien plus que des actions ponctuelles. Elle nécessite une réflexion durable sur le développement local, le renforcement de la gouvernance et surtout, la coopération régionale renforcée. Sans réponse appropriée, ces problèmes pourraient non seulement resurgir ailleurs, mais également alimenter d’autres formes d’instabilité dans toute la région ouest-africaine.
Le démantèlement spectaculaire de cette ville illégale dans la forêt de Subri est donc un rappel saisissant que la stabilité sécuritaire en Afrique de l’Ouest reste fragile et dépend largement de la capacité des États à contrôler effectivement leurs territoires. C’est à cette seule condition que les ressources naturelles ne deviendront plus une malédiction, mais un levier de prospérité durable.
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