Depuis plusieurs années, les pays du Maghreb investissent dans l’extension et la modernisation de leurs infrastructures électriques afin d’accompagner une croissance économique marquée par l’urbanisation, l’industrialisation et la demande accrue en énergie. L’objectif de généraliser l’accès à l’électricité, y compris dans les zones reculées, demeure central pour les gouvernements de la région. En Algérie, cette stratégie se traduit notamment par la multiplication de projets d’envergure, dont celui de Djelfa, qui illustre à la fois les ambitions énergétiques du pays et les défis liés à leur concrétisation.
Un projet relancé après une impasse
Lancé en 2014, le chantier de la centrale thermique à cycle combiné d’Ain Oussara, dans la wilaya de Djelfa, a connu un parcours semé d’embûches. Initialement confiée à l’espagnole Duro Felguera, la construction de cette infrastructure stratégique a été interrompue à la mi-2024. Officiellement, l’entreprise a invoqué la nécessité d’adapter le projet aux conditions actuelles. En réalité, la société, en difficulté financière, avait déjà entamé une procédure de pré-faillite à la fin de l’année. Cette situation a contraint Sonelgaz, par l’intermédiaire de sa filiale spécialisée dans la production d’électricité, à réclamer une indemnisation de plus de 400 millions d’euros et à enclencher une procédure d’arbitrage.
L’arrêt du projet représentait un revers pour les autorités algériennes, soucieuses d’éviter tout retard supplémentaire dans la mise en service d’une centrale appelée à renforcer l’approvisionnement énergétique du pays. Une mission de représentants espagnols, dépêchés sur place au début de l’année 2025, a permis de dégager une issue favorable : les travaux seront désormais confiés à un consortium chinois, composé des entreprises CPECC, APCC et NWEPDI, qui se sont engagées à achever la centrale et à entamer une mise en service progressive à partir du neuvième mois suivant l’accord définitif.
L’Algérie diversifie ses partenaires
Ce transfert du chantier vers un groupe chinois traduit une tendance observable dans plusieurs pays maghrébins, à savoir l’élargissement des partenariats au-delà des acteurs européens traditionnels. Alors que la coopération avec certaines entreprises du sud de l’Europe s’est fragilisée en raison de difficultés économiques, les groupes asiatiques, en particulier chinois, apparaissent comme des interlocuteurs plus fiables dans l’exécution de projets d’infrastructure. Leur capacité à mobiliser rapidement des équipes, du matériel et du financement leur confère un avantage dans les négociations.
Dans le cas d’Ain Oussara, la reprise des travaux est d’autant plus stratégique qu’elle permet de clore le litige en cours entre Sonelgaz et Duro Felguera, tout en assurant la continuité du projet. L’option retenue offre ainsi une double garantie : sur le plan juridique, elle apaise les tensions contractuelles ; sur le terrain, elle remet en marche un chantier dont l’arrêt aurait pu compromettre les objectifs énergétiques à moyen terme.
Une dynamique régionale en mutation
La relance de ce projet s’inscrit dans un mouvement de transformation du secteur énergétique en Afrique du Nord, où les États cherchent à sécuriser leur production électrique tout en diversifiant les sources et les partenaires. À l’heure où les tensions géopolitiques influencent de plus en plus les chaînes de production et les alliances économiques, la flexibilité des gouvernements à adapter leurs choix contractuels devient un levier essentiel.
Au-delà du cas algérien, la mobilisation d’entreprises asiatiques dans les grands projets énergétiques du Maghreb témoigne d’une redistribution progressive des rôles dans le développement des infrastructures. Le chantier de Djelfa, après une longue période d’incertitude, redevient ainsi un symbole d’adaptation face aux contraintes techniques et commerciales. À terme, sa mise en service contribuera non seulement à renforcer la capacité énergétique de l’Algérie, mais aussi à illustrer les nouveaux équilibres qui se dessinent dans la coopération internationale autour de l’électricité.
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