Depuis plusieurs mois, les relations entre le Mali et l’Algérie se sont considérablement détériorées, marquées par des divergences croissantes sur des sujets clés de sécurité et de gouvernance régionale. Bamako accuse Alger de maintenir un double discours, notamment sur la question touarègue et les groupes armés opérant dans le nord du pays. La médiation algérienne autour de l’accord de paix de 2015, de plus en plus critiquée au Mali, n’a pas permis d’apaiser les tensions. La situation s’est envenimée début avril lorsque l’armée algérienne a abattu un drone malien à proximité de la frontière, un acte que Bamako a qualifié de « hostile » et « prémédité« , entraînant le rappel de son ambassadeur. Ces tensions diplomatiques s’insèrent dans un climat de méfiance structurelle, où chaque incident semble alimenter un cycle d’escalade désormais étendu au champ économique.
Un blocus officieux qui frappe les circuits de survie du nord malien
Selon les informations rapportées par *Mondafrique*, les autorités algériennes ont réagi à l’incident du drone en durcissant les restrictions commerciales à destination du sud de leur territoire, freinant le passage de marchandises subventionnées destinées aux régions sahéliennes voisines. Cette décision affecte particulièrement le nord du Mali, dépendant depuis des décennies d’un commerce transfrontalier non régulé, mais toléré, qui permettait l’approvisionnement en carburant, sucre, ciment ou encore huile de cuisine à des prix bien inférieurs à ceux du marché officiel.
Les conséquences de cette fermeture sont déjà visibles. À Menaka, le prix du litre d’essence a atteint les 7000 francs CFA, un niveau record, illustrant l’ampleur du choc pour des populations déjà confrontées à une instabilité chronique. Loin de se limiter à un simple désaccord diplomatique, cette mesure touche un pilier de l’économie informelle locale. Le réseau de contrebande, longtemps perçu comme une soupape économique, se retrouve paralysé par une décision algérienne qui, bien que non annoncée publiquement, agit comme un levier de pression directe sur les territoires sous contrôle malien.
Le FLA tente d’éviter la fracture interne face aux représailles
Dans ce contexte tendu, le Front de libération de l’Azawad (FLA), l’un des mouvements actifs dans le nord, a annoncé le 13 avril l’interdiction de toute commercialisation ou transport de carburant en provenance d’Algérie vers les régions qu’il revendique. Ce communiqué, également relayé par *Mondafrique*, semble s’inscrire dans une stratégie défensive : en anticipant d’éventuelles sanctions algériennes contre les contrevenants, le FLA cherche à se prémunir contre des accusations de complicité ou de désobéissance. Officiellement, le mouvement affirme avoir consulté les acteurs du secteur pour limiter les souffrances de la population, mais la mesure vise surtout à marquer une ligne de conduite claire à ses propres cadres et aux commerçants locaux.
Cette prise de position illustre l’évolution du rôle de certains groupes armés dans la région, désormais contraints d’agir à la fois comme acteurs militaires et gestionnaires de l’économie locale. Le carburant, en particulier, est au cœur de cet équilibre : ressource vitale pour la mobilité, le commerce, et parfois même pour les capacités logistiques des groupes eux-mêmes. En interdisant ces flux, le FLA tente de conserver sa légitimité et d’éviter un morcellement de son autorité face à une population confrontée à une crise sans précédent.
Une stratégie d’asphyxie économique aux conséquences incertaines
Le durcissement des flux commerciaux entre l’Algérie et le nord du Mali agit comme une forme d’asphyxie économique ciblée. Sans recourir à l’affrontement militaire, Alger semble vouloir faire sentir son poids en perturbant les équilibres d’un réseau commercial transfrontalier devenu vital. Cette stratégie, en frappant les chaînes d’approvisionnement du nord malien, crée une pression diffuse mais puissante, que les autorités de transition à Bamako ne peuvent ignorer.
À terme, ce conflit économique pourrait renforcer le ressentiment local contre les deux capitales, perçues comme incapables ou peu soucieuses des conditions de vie sur le terrain. Il risque également de fragiliser encore davantage des régions où l’État peine à s’imposer, au profit de groupes armés ou de structures parallèles. La pression économique devient ainsi un nouvel outil de rivalité régionale, dont les conséquences humaines pourraient être aussi durables que les désaccords politiques qui l’ont déclenchée.
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