Alors que le Sénégal affiche depuis plusieurs années un prix du carburant parmi les plus élevés de l’Afrique de l’Ouest, dépassant même celui du Mali, une dynamique nouvelle est amorcée du côté des exportations. Le paradoxe d’un pays producteur aux tarifs domestiques élevés semble désormais en voie d’être compensé par des résultats encourageants sur le front des ventes internationales. En ligne de mire : le champ offshore Sangomar, devenu en moins de deux ans le principal moteur de la stratégie pétrolière nationale.
Des chiffres qui dépassent les prévisions
L’année 2024 s’est conclue sur un volume impressionnant de 16,9 millions de barils extraits des profondeurs de l’Atlantique, bien au-delà de l’objectif initial fixé à 11,7 millions. Cette performance, saluée par les autorités, marque une montée en puissance maîtrisée de la phase de production. À peine un an après son entrée en service, Sangomar s’impose déjà comme une infrastructure majeure de l’économie sénégalaise. Pour 2025, le ministère de l’Énergie anticipe une production totale de 30,53 millions de barils. Une prévision ambitieuse qui traduit à la fois la confiance dans les capacités techniques du projet et la solidité du cadre contractuel mis en place.
L’exploitation du champ, situé à une centaine de kilomètres au large de Dakar, repose sur des technologies de pointe qui ont permis un démarrage rapide et une montée en régime efficace. Ce dynamisme opérationnel a déjà produit des effets tangibles sur la balance commerciale, avec des recettes issues de la vente des hydrocarbures ayant permis de dégager un excédent significatif. Pour la première fois, le Sénégal pourrait durablement équilibrer ses échanges extérieurs grâce à sa production nationale, rompant avec une longue tradition de déficit énergétique.
Une manne qui interroge sur les priorités internes
Si ces chiffres suscitent l’optimisme dans les cercles décisionnels, ils soulèvent aussi des interrogations parmi les citoyens. Le coût élevé du carburant à la pompe reste un point de tension récurrent, notamment dans un contexte où les hydrocarbures sénégalais sont majoritairement exportés plutôt que consommés localement. Le Mali, pays enclavé, parvient aujourd’hui à proposer des prix à la pompe inférieurs à ceux du Sénégal, grâce à une politique d’approvisionnement via le port de Dakar. Une situation qui accentue le contraste entre les bénéfices macroéconomiques affichés et le ressenti des ménages.
Pour que les performances de Sangomar bénéficient directement à la population, certains observateurs appellent à une révision des mécanismes de fixation des prix, ou à une part réservée de la production destinée au marché intérieur à prix préférentiel. En l’absence de telles mesures, les retombées positives risquent de rester cantonnées aux grandes lignes budgétaires et aux flux de trésorerie de l’État.
Une transition énergétique qui commence par l’exportation
Au-delà des recettes immédiates, le succès de Sangomar repositionne le Sénégal sur la carte énergétique mondiale. Le pays entre dans le cercle restreint des producteurs africains significatifs, avec une capacité installée comparable à certains pays d’Afrique centrale déjà établis dans le secteur. Cette reconnaissance implique également de nouvelles responsabilités : sécurité des installations, transparence dans la gestion des revenus, mais aussi anticipation d’un avenir post-pétrole. Car si la courbe actuelle est ascendante, elle ne saurait occulter la nécessité d’investir dans des modèles énergétiques durables, à la fois pour la souveraineté nationale et la justice sociale.
Le champ de Sangomar, au-delà de son potentiel économique, est donc un test grandeur nature de la capacité du Sénégal à transformer une ressource stratégique en un levier de développement équitable. Les prochaines années seront décisives : entre promesses de croissance et attentes sociales, l’or noir sénégalais trace un sillon aussi prometteur qu’exigeant.
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