Afrique: la France veut rendre des trésors pillés au Niger mais…

Pendant des décennies, les polémiques autour des œuvres africaines conservées dans les musées européens ont rappelé l’ampleur des pillages coloniaux. Masques rituels, statues royales, objets sacrés… Des milliers de pièces ont été arrachées à leur terre d’origine et disséminées à travers l’Europe, notamment en France. Si le débat sur leur retour prend de l’ampleur, une autre dimension de cette spoliation reste souvent éludée : celle des violences commises pour les obtenir.

Des artefacts sans justice

Selon un document analysé par le journal The Guardian, Paris vient d’exprimer son intention de remettre au Niger une partie des objets culturels saisis lors de la domination coloniale. Ce geste diplomatique, bien que présenté comme un pas vers la reconnaissance, semble strictement limité. En parallèle, la France indique qu’aucune demande formelle n’aurait été transmise par les autorités nigériennes. Une manière subtile de déplacer la responsabilité et d’éviter toute démarche proactive.

Mais au-delà de cette manœuvre prudente, c’est surtout le refus de se confronter aux crimes de l’époque qui suscite la controverse. Plusieurs communautés nigériennes, dont les ancêtres ont été massacrés lors d’une expédition militaire française à Birni-N’Konni ont saisi un rapporteur des Nations unies. En guise de réponse, le gouvernement français a brandi un argument juridique : les conventions internationales invoquées aujourd’hui n’étaient pas en vigueur à l’époque des faits.

Une mémoire verrouillée

Pour de nombreux observateurs, cette position revient à ignorer les demandes de vérité et de reconnaissance. Bernard Duhaime, expert en droit international, rappelle que la France n’a entrepris aucune investigation ni exprimé de reconnaissance officielle concernant les crimes perpétrés. Ce déni, doublé d’un silence prolongé, creuse un fossé entre les gestes symboliques et la réalité historique.

Offrir des objets anciens sans jamais évoquer les violences qui ont entouré leur prise revient à soigner l’emballage tout en refusant de nommer le contenu. Le passé colonial est ainsi réduit à une collection d’artefacts détachés de toute mémoire humaine, comme si la culture pouvait être rendue sans restituer la dignité ni la vérité.

Histoire en pointillé

L’approche française reste marquée par une volonté de contrôle du récit. Accepter de livrer des objets, mais rejeter toute responsabilité liée aux massacres, c’est choisir une mémoire édulcorée. Alors même que d’autres anciennes puissances coloniales, comme l’Allemagne en Namibie, commencent à affronter leur propre histoire, la France continue de s’abriter derrière le formalisme juridique.

Les familles concernées, elles, attendent autre chose qu’un simple transfert de biens. Elles réclament la reconnaissance des pertes humaines, des traumatismes transmis, des vérités étouffées. Ce qu’elles demandent, ce n’est pas seulement le retour d’objets volés, mais que les blessures de l’histoire soient nommées et reconnues. Refuser cela, c’est prolonger l’effacement.

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