Les fusiliers marins sénégalais ont interrompu une nouvelle tentative de migration clandestine dans la nuit du 9 juillet, interceptant 201 personnes dans le bolong de Maya, près de Foundiougne. Parmi les passagers, embarqués dans une pirogue ou déjà à terre, se trouvaient des femmes, des enfants et des ressortissants de plusieurs nationalités. Cette opération menée en Zone militaire N°3 souligne l’ampleur persistante du phénomène migratoire dans les zones côtières du pays, en particulier dans les îles du Saloum, souvent utilisées comme point de départ discret vers l’Europe.
Le choix de ce réseau fluvial illustre l’ingéniosité et la détermination des candidats à l’exil, qui explorent les voies les moins surveillées malgré les risques accrus. Derrière ces chiffres, se cache une réalité sociale : celle d’une jeunesse prise au piège entre désillusion locale et mirage de l’eldorado européen.
Les racines d’un mal tenace
La poussée migratoire n’est ni soudaine, ni anecdotique. Le Sénégal voit depuis des années une frange importante de sa population juvénile quitter ses terres ou tenter de le faire. Les raisons sont multiples : le chômage, parfois structurel, empêche l’insertion durable des jeunes, notamment en dehors des grands pôles urbains. À cela s’ajoute une absence de perspectives économiques dans les régions intérieures, où le développement est souvent freiné par l’enclavement ou le manque d’infrastructures.
Mais plus encore que la pauvreté, c’est souvent le sentiment d’inutilité ou de stagnation qui pousse certains à embarquer. L’exemple d’un voisin parti et revenu avec quelques signes extérieurs de réussite suffit à déclencher des vocations migratoires. Les passeurs, eux, exploitent ces frustrations en promettant des traversées faciles et des lendemains meilleurs. Les familles, parfois complices, investissent dans ces projets comme on mise sur une entreprise risquée mais potentiellement salvatrice.
La migration circulaire, une alternative à renforcer
La migration circulaire, une alternative à renforcer (suite)
Dimanche dernier, 58 travailleurs saisonniers ont quitté Dakar pour l’Espagne, dans le cadre d’un accord permettant des séjours professionnels temporaires dans le secteur agricole. Il s’agissait de la sixième cohorte à bénéficier de cette formule, après être revenue au pays à l’issue de leur précédent contrat en 2024. Un septième départ est d’ores et déjà annoncé. Cette politique vise à offrir un cadre sécurisé et légal à ceux qui souhaitent travailler à l’étranger, tout en encourageant un retour régulier au pays.
Le ministère des Affaires étrangères multiplie les partenariats pour institutionnaliser ces circuits. Ces démarches sont perçues comme un compromis réaliste, qui maintient les liens familiaux, renforce les transferts de compétences et limite les drames en mer. Toutefois, leur portée reste encore limitée face à la demande croissante. D’autres partenariats, notamment avec l’Italie, l’Allemagne et certains pays du Golfe, sont à l’étude pour diversifier les opportunités de mobilité encadrée.
Mais pour que ces solutions soient véritablement efficaces, elles devront s’accompagner de mesures plus profondes au niveau national : relance de l’emploi rural, accompagnement de l’entrepreneuriat local, accès au financement pour les jeunes en zone périurbaine. Autant de leviers essentiels pour inverser une tendance qui, au fil des ans, est devenue une véritable culture de l’exil. Car si les arrestations à Foundiougne freinent ponctuellement les départs, seul un nouveau récit d’avenir pourra convaincre la jeunesse de rester.



