La volonté du gouvernement de revoir l’architecture de la lutte contre la corruption se précise. Le Conseil des ministres a validé hier un projet de loi visant à créer un nouvel Office national de lutte contre la corruption, marquant ainsi une étape décisive vers une restructuration complète du dispositif existant. Ce texte, dont le contenu reste encore confidentiel, devra passer devant l’Assemblée nationale, mais il pourrait entraîner l’abrogation explicite de la loi de 2012 qui avait donné naissance à l’OFNAC, l’actuel organe chargé de cette mission.
Ce chantier ne surgit pas par surprise. Le Premier ministre Ousmane Sonko en avait déjà esquissé les grandes lignes lors de son allocution du 14 avril 2025 devant les députés. Et pour cause : bien que renforcé juridiquement par une loi adoptée le 9 février 2024, l’OFNAC n’a jamais pu bénéficier de l’entrée en vigueur de cette réforme, bloquée par l’absence d’un décret d’application. Le nouveau projet semble désormais vouloir reprendre le flambeau, avec l’ambition d’installer une autorité centrale plus performante et mieux armée techniquement.
Une institution fragilisée par son passé et son leadership
Si cette refonte soulève des questions structurelles, elle repose aussi sur un passif politique difficile à ignorer. À la tête de l’OFNAC depuis 2022, Serigne Bassirou Guèye reste une figure clivante. Ancien procureur de la République, il incarne aux yeux de nombreux militants de PASTEF un symbole d’hostilité institutionnelle. C’est sous son impulsion, en tant que magistrat, que fut enclenchée la procédure judiciaire dans l’affaire Adji Sarr contre Ousmane Sonko, en 2021. Depuis, les critiques fusent contre ce qu’ils considèrent comme un manque d’impartialité manifeste.
Cette méfiance persistante pèse lourdement sur la légitimité de l’OFNAC, dont l’image publique s’est progressivement dégradée. Pour une partie de l’opinion, réformer l’organe sans toucher à son pilotage reviendrait à poser un nouveau toit sur des fondations fragiles. D’où l’interprétation politique qui entoure ce nouveau projet de loi : plus qu’un simple changement d’appellation ou de compétences, il pourrait ouvrir la voie à une rupture avec l’ère Guèye, en réinitialisant les règles du jeu.
Un nouveau départ ou une simple reconfiguration ?
À ce stade, les inconnues demeurent nombreuses. Le texte adopté ne précise ni la nature exacte du futur office, ni la méthode de transition envisagée. Va-t-il remplacer directement l’OFNAC ou coexister un temps avec lui ? Qu’adviendra-t-il des dossiers en cours ? Les réponses viendront sans doute lors du débat parlementaire à venir, moment clé où le gouvernement devra convaincre sur la nécessité de changer de cadre sans affaiblir le combat contre la corruption.
Ce projet de réforme est aussi un test pour le pouvoir actuel : il devra montrer qu’il est capable de bâtir des institutions de contrôle crédibles, efficaces et perçues comme neutres. Dans un pays où les soupçons sur l’enrichissement illicite minent la confiance publique, la refonte de l’appareil anticorruption n’est pas qu’un ajustement technique. C’est un signal envoyé à l’opinion, et peut-être le premier acte d’un rééquilibrage de la justice administrative au cœur même de l’État.



