Sous l’alias de Kocc Barma, El Hadji Babacar Dioum opérait dans l’ombre du web sénégalais depuis au moins 2018. Son nom circulait discrètement mais avec insistance dans les couloirs de la Division spéciale de cybersécurité (DSC), où plusieurs plaintes déposées pour chantage numérique convergeaient vers un même profil. Selon Libération, l’homme se faisait passer pour l’administrateur d’une plateforme tristement célèbre, exploitant les failles de l’intimité numérique pour extorquer ses victimes. Son modus operandi reposait sur un principe simple et redoutable : utiliser la peur de l’exposition publique pour pousser à payer en silence.
À travers de faux profils, des menaces ciblées et des captures d’écrans compromettantes, Kocc Barma envoyait des messages dans lesquels il proposait d’« effacer » certaines vidéos en échange d’un paiement. Des montants variables étaient exigés, selon la sensibilité du contenu ou la vulnérabilité de la cible. Si la somme n’était pas versée, le contenu était rendu public. Derrière cette mécanique, c’est un système structuré qui s’était mis en place, mêlant anonymat, hébergement offshore et menace psychologique.
Un coup de filet coordonné et stratégique
L’arrestation d’El Hadji Babacar Dioum a eu lieu dans une résidence hautement sécurisée à Bourguiba, quartier discret de la capitale. La DSC, appuyée par la Brigade d’intervention polyvalente (BIP), a mis en œuvre un plan d’intervention minutieux visant à neutraliser tout risque de destruction de preuves avant l’arrivée sur les lieux. Les forces ont agi en tenant compte de la sensibilité du matériel numérique potentiellement stocké sur plusieurs supports connectés ou cryptés.
Les agents ont pu saisir des codes d’accès, des appareils, et des données numériques jugées critiques pour la poursuite de l’enquête. Bien qu’il ait nié en bloc les accusations portées contre lui, les preuves techniques rassemblées par les enquêteurs viendraient corroborer les plaintes antérieures. Le dossier désormais ouvert devrait permettre d’élargir le périmètre de l’enquête, notamment en identifiant les victimes, mais aussi d’éventuels complices ou bénéficiaires du système de chantage.
Un signal fort dans la lutte contre la cybercriminalité
L’arrestation de Kocc Barma n’est pas seulement celle d’un individu. Elle marque un tournant dans la réponse sénégalaise face à un type de criminalité souvent ignoré ou banalisé : celle qui agit dans les coulisses numériques, hors de portée des regards mais avec des conséquences sociales profondes. Le chantage sexuel en ligne, aussi appelé revenge porn, produit des dégâts durables sur la vie des victimes, mêlant humiliation publique, isolement et détresse psychologique.
Alors que les autorités promettent de poursuivre les investigations, cette arrestation envoie un message clair à tous ceux qui utilisent internet pour exploiter, menacer ou nuire. Le cyberespace ne sera plus un refuge pour les prédateurs invisibles.



