Ventes d’armes : deux pays européens conjuguent leurs forces

Dans l’univers très stratégique de l’industrie de défense, les alliances peuvent être aussi déterminantes que les innovations technologiques. Le développement d’équipements comme l’Eurofighter Typhoon, fruit d’une coopération industrielle entre plusieurs pays européens, illustre bien la complexité de ces partenariats. Si les avancées techniques sont indéniables, la gestion des exportations, elle, reste souvent tributaire de considérations politiques nationales.

L’Allemagne, régulièrement pointée du doigt pour son intransigeance en matière de ventes d’armes, a bloqué plusieurs projets impliquant ses partenaires. Cette position rigide n’a pas seulement affecté la France, dont les projets communs se sont heurtés à des refus de Berlin. Le Royaume-Uni, pourtant allié historique de l’Allemagne dans la production de l’Eurofighter, en a également fait les frais, notamment face aux marchés saoudien et turc.

Le blocage d’un contrat de 48 Typhoon avec Riyad ou les obstacles rencontrés dans les discussions avec Ankara ont fragilisé les perspectives commerciales de BAE Systems. L’industriel britannique, dont les chaînes de production tournent au ralenti, paie aujourd’hui le prix d’un cadre réglementaire insuffisamment coordonné. Un paradoxe pour un programme multinational censé incarner l’efficacité d’une Europe de la défense industrielle.

Le traité de Kensington : un virage stratégique assumé

Le 17 juillet, Londres et Berlin ont signé un accord bilatéral inédit, le « Traité de Kensington », qui marque un tournant dans la gestion des exportations d’armements issus de programmes conjoints. Ce texte engage les deux pays à mener des campagnes communes pour obtenir des commandes internationales, avec une volonté affirmée de lever les ambiguïtés qui paralysaient jusqu’ici les projets. L’Eurofighter Typhoon et le véhicule de combat Boxer sont les premières cibles de cette nouvelle approche.

Derrière les formules diplomatiques, le message est clair : les restrictions unilatérales ne seront plus la norme. Les deux capitales reconnaissent que l’efficacité économique de leur coopération dépend d’un alignement réel dans l’octroi des licences d’exportation. Ce partenariat s’apparente à une tentative de rééquilibrer les rapports entre principes éthiques et réalités industrielles. Il reprend l’esprit des accords Debré-Schmidt des années 70, qui encadraient les exportations d’armement entre la France et l’Allemagne, en les rendant mutuellement contraignantes. Mais à la différence de ces textes anciens, le traité anglo-allemand entend activer concrètement ces dispositions, après une décennie d’entraves répétées.

Un signal adressé à Paris et aux autres partenaires

Pour la France, longtemps confrontée aux blocages allemands sur ses propres marchés, ce rapprochement entre Berlin et Londres ne passe pas inaperçu. Alors que les projets communs comme le Système de combat aérien du futur (SCAF) ou le char MGCS intègrent une forte composante industrielle allemande, la dépendance aux autorisations de Berlin continue de susciter des inquiétudes à Paris. En signant un accord bilatéral avec Londres sans inclure d’autres partenaires, l’Allemagne semble tracer une nouvelle méthode, peut-être plus souple, mais surtout bilatérale.

Ce développement place Paris dans une position délicate : soit elle obtient des garanties similaires dans le cadre de ses propres programmes conjoints, soit elle risque de voir ses ambitions internationales freinées par des arbitrages extérieurs. L’enjeu ne se limite pas à des lignes de production ou à des carnets de commandes. Il touche à la crédibilité même des coopérations militaires européennes.

En décidant d’agir ensemble, le Royaume-Uni et l’Allemagne renvoient un signal : au-delà des principes, la coopération industrielle dans la défense exige de la cohérence politique. Il revient désormais à la France de redéfinir les contours de ses engagements, pour que ses alliances technologiques ne se transforment pas en dépendances stratégiques.

2 réflexions au sujet de “Ventes d’armes : deux pays européens conjuguent leurs forces”

  1. Soit les européens partent en guerre contre la Russie, avec l’assurance de se prendre une branlée, soit ils foutent dehors les tarés qui les gouvernent et reprennent leur économie en main

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