Armement au Maghreb : une priorité pour Israël ?

L’essor spectaculaire de l’industrie de défense israélienne s’accompagne d’un glissement progressif de ses marchés vers des territoires longtemps considérés comme hostiles ou inaccessibles. En tête de cette nouvelle orientation : le Maroc, qui est devenu, en quelques années, un partenaire de premier plan pour Tel-Aviv en Afrique du Nord.

Une dynamique bilatérale en pleine accélération

Depuis la reprise des relations diplomatiques entre Rabat et Tel-Aviv en 2020, sous l’impulsion américaine, les échanges militaires se sont intensifiés. À l’écart des projecteurs, le royaume a engagé une politique d’équipement avancé auprès de fournisseurs israéliens, rompant avec ses partenaires occidentaux traditionnels.

D’après les informations rapportées par Bladi, plusieurs systèmes sophistiqués ont été acquis récemment, parmi lesquels des systèmes de défense aérienne de nouvelle génération, du matériel d’artillerie mobile, ainsi que des équipements d’observation et de ciblage de haute précision. À cela s’ajoute l’achat de munitions à guidage autonome, conçues pour frapper des cibles dissimulées ou protégées, pour un montant global qui dépasse les 2 milliards de dirhams.

Un intérêt croissant pour les partenariats stratégiques

L’approche israélienne ne se limite pas à l’exportation de matériel. Le royaume chérifien a été identifié comme un terrain propice à l’établissement de capacités industrielles locales, notamment dans le domaine des drones. Une unité de production est en cours de développement avec une entreprise affiliée à Israel Aerospace Industries, dans l’optique de fabriquer localement des appareils destinés à un usage régional.

Cette implantation permet à Israël de renforcer sa présence sur le continent tout en créant une interdépendance industrielle avec ses partenaires.

Le monde arabe, nouveau terrain d’influence militaire

Les chiffres du ministère israélien de la Défense sont sans équivoque : les exportations d’armes ont atteint un nouveau record en 2024, avec 14,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 37 % en quatre ans. Une part notable de cette croissance provient désormais de pays arabes ayant normalisé leurs relations avec Israël dans le cadre des Accords d’Abraham.

Les clients issus de cette zone géographique représentent aujourd’hui 12 % des ventes israéliennes, contre seulement 3 % trois ans auparavant. Cette progression traduit un tournant stratégique dans la diplomatie sécuritaire israélienne : conquérir des marchés jugés sensibles en misant sur des alliances sécurisées, parfois adossées à des accords géopolitiques plus larges.

Une diplomatie d’armement à double tranchant

Pour le Maroc, ces acquisitions répondent à des besoins réels de modernisation de ses forces armées. Mais elles s’inscrivent aussi dans une logique de positionnement régional. La coopération avec Israël, au-delà du volet technique, lui confère un accès à des technologies éprouvées, mais l’expose aussi à des critiques, notamment de la part de ses voisins ou de certains courants politiques internes.

Israël, de son côté, exploite ces partenariats comme une vitrine de sa capacité à opérer au-delà de son cercle diplomatique traditionnel. Le Maghreb, par son poids stratégique et ses tensions régionales, devient un laboratoire d’alliances sécuritaires hybrides.

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