Le ministre chinois des Affaires étrangères entame ce lundi une visite officielle en Inde, la première depuis trois ans. Cette rencontre survient alors que New Delhi fait face à un durcissement tarifaire américain, renforçant la portée stratégique de ce rapprochement sino-indien.
Le commerce fragilisé par Washington
La décision de Donald Trump d’imposer des droits de douane de 50 % sur les exportations indiennes, en réponse aux achats de pétrole russe par l’Inde, a suscité une réaction immédiate de New Delhi. Le gouvernement de Narendra Modi a dénoncé un traitement déséquilibré, rappelant que Washington se montre plus souple envers la Chine. Cet épisode s’accompagne d’une annulation des discussions bilatérales prévues fin août, marquant un frein au rapprochement stratégique engagé ces dernières années.
Pour amortir l’impact économique, le Premier ministre a dévoilé une réforme fiscale importante réduisant la taxe sur les biens et services, tout en prônant une plus grande autonomie économique. Lors de son discours de la fête nationale, il a insisté sur la nécessité de protéger les agriculteurs et de renforcer la consommation intérieure. Dans ce contexte, des secteurs comme le textile et la pharmacie cherchent déjà à diversifier leurs débouchés, notamment en Asie.
Cette situation alimente également le débat politique interne : certains reprochent au gouvernement de ne pas faire preuve de fermeté face aux pressions américaines, affaiblissant son image de leader capable de défendre les intérêts nationaux.
La Chine en position d’ouverture et les implications géopolitiques
C’est dans ce climat que la Chine a choisi d’envoyer son chef de la diplomatie à New Delhi, une première depuis trois ans. La visite de Wang Yi, qui démarre aujourd’hui, s’inscrit dans le cadre de la reprise des discussions sur la frontière himalayenne et de la perspective de rouvrir le commerce frontalier, suspendu depuis 2020. Elle prépare également la rencontre attendue entre Modi et les dirigeants chinois lors du prochain sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai.
Cette simultanéité — tensions commerciales avec Washington et rapprochement politique avec Pékin — pourrait annoncer une réorientation stratégique. Alors que l’Inde s’était rapprochée des États-Unis via le Quad et la stratégie indo-pacifique, New Delhi explore désormais d’autres marges de manœuvre. Pékin, de son côté, saisit l’occasion pour normaliser ses relations bilatérales après des années de crispation.
Si cette dynamique venait à s’ancrer dans la durée, elle pourrait rebattre les cartes régionales et compliquer la stratégie américaine en Asie. La reprise du dialogue entre New Delhi et Pékin, combinée aux frictions économiques avec Washington, illustre le début d’une recomposition géopolitique dont les effets dépassent largement la seule relation bilatérale.



