L’entreprise chinoise CITIC Construction explore de nouvelles perspectives de coopération en Algérie, avec un intérêt appuyé pour le développement de l’industrie du phosphate. Cette ambition a été exprimée lors d’un entretien avec Belkacem Soltani, président-directeur général de Sonarem, au moment où l’Algérie restructure profondément sa stratégie minière.
La réunion s’est tenue dans un contexte de renforcement du cadre légal, marqué par l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les mines. Cette réforme introduit des incitations ciblées pour attirer les investisseurs disposant d’une expertise technologique de pointe, dans un secteur considéré comme clé pour la diversification économique du pays.
Un partenaire historique, mais absent du mégaprojet de Tébessa
La démarche de CITIC Construction intervient quelques mois après l’entrée en exploitation du mégaprojet intégré de phosphate de Bled El Hadba, dans la wilaya de Tébessa. Ce site, l’un des plus importants au monde avec une réserve estimée à 3 milliards de tonnes, devait initialement être développé via un partenariat algéro-chinois. Or, face aux lenteurs constatées, les autorités algériennes ont opéré un changement de gouvernance en 2024, confiant la conduite exclusive du projet aux entreprises nationales Sonatrach et Sonarem.
Ce repositionnement stratégique s’inscrit dans une dynamique affirmée de valorisation des compétences locales, comme l’a souligné le ministre de l’Énergie et des Mines Mohamed Arkab, déterminé à garantir l’aboutissement du projet dans les délais. La première phase de production est attendue pour 2027, avec un objectif de 10,5 millions de tonnes de phosphate brut par an d’ici 2031.
Le phosphate, une priorité nationale et un enjeu géoéconomique
Au-delà des ambitions industrielles, le secteur du phosphate s’impose comme un pilier de la stratégie algérienne de transformation des matières premières. Le mégaprojet de Bled El Hadba ne se limite pas à l’extraction : il englobe la création de 21 unités de production à Souk Ahras, Skikda et Annaba, un complexe de transformation à Oued Kebrit, ainsi qu’un port minéralier dédié à Annaba.
Ce programme, d’un coût global estimé à 7 milliards de dollars, vise une production annuelle de 6 millions de tonnes d’engrais phosphatés, renforçant la capacité du pays à répondre aux besoins du marché local et à se positionner comme fournisseur régional. À terme, plus de 30 000 emplois directs et indirects devraient être générés.
CITIC en quête d’un nouveau rôle en Algérie
Malgré son absence du projet de Tébessa, CITIC Construction n’est pas un nouvel acteur en Algérie. Présente depuis plus de vingt ans dans les infrastructures — notamment l’autoroute Est-Ouest — l’entreprise cherche désormais à s’intégrer aux futurs développements du secteur minier, en capitalisant sur son expérience technique et sa capacité d’investissement.
Les échanges entre CITIC et Sonarem ont ainsi porté sur l’ensemble des filières extractives stratégiques, dont le fer, le cuivre, le zinc ou encore le marbre, mais c’est bien le phosphate qui a cristallisé les discussions. Pour Pékin, cette ressource est devenue un levier stratégique, dans un contexte de compétition mondiale pour la sécurité des approvisionnements en intrants agricoles et en matières premières critiques.
Une ouverture encadrée par la nouvelle politique minière
Le dialogue engagé entre les autorités algériennes et les investisseurs étrangers s’inscrit dans le cadre d’une politique volontariste de réforme du secteur minier. La nouvelle loi adoptée récemment prévoit un encadrement plus transparent des partenariats, une simplification des procédures administratives et des dispositifs fiscaux incitatifs, notamment en faveur des projets créateurs de valeur locale.
Ce virage législatif répond à la volonté d’Alger de mieux valoriser ses ressources, tout en préservant sa souveraineté économique. Dans cette configuration, les investisseurs internationaux comme CITIC peuvent espérer retrouver un rôle, mais dans un cadre désormais redéfini, où les partenariats devront s’inscrire dans des logiques de transfert de compétences et de production locale.



