Sénégal : Discussions parlementaires sur quatre projets de loi

Les députés de la 15ᵉ législature reprennent ce matin leurs travaux à l’Assemblée nationale avec une session extraordinaire qui pourrait redessiner les contours de la gouvernance publique. À l’ordre du jour, quatre projets de loi au potentiel décisif, dont celui relatif à la déclaration de patrimoine, inscrit sous le numéro 15/2025. Les discussions s’annoncent tendues, car au-delà du consensus affiché sur la nécessité de transparence, certains points cristallisent des désaccords profonds entre la majorité et l’opposition.

Un arsenal législatif inédit contre la corruption

L’un des textes les plus attendus porte sur la création d’un Office national de Lutte contre la Corruption. Cette nouvelle institution aurait pour mission de centraliser et coordonner la prévention, l’investigation et le suivi des cas de corruption. Dans l’esprit, elle doit aller plus loin que l’ex-Ofnac, en renforçant les moyens d’action et en élargissant son champ de compétence. Son rôle serait comparable à un « garde-fou institutionnel », censé veiller à ce qu’aucun abus ne se dissimule derrière l’opacité administrative.

Le dispositif législatif comprend également un projet sur le statut des lanceurs d’alerte, destiné à protéger ceux qui, au péril de leur carrière, révèlent des irrégularités. Ce point marque une rupture : dans une culture où dénoncer peut être perçu comme une trahison, l’État cherche à inverser la logique et à valoriser la vigilance citoyenne.

La déclaration de patrimoine au cœur des débats

C’est toutefois le projet de loi sur la déclaration de patrimoine qui concentre l’attention. L’idée est simple : obliger les responsables publics à révéler leurs biens à des moments stratégiques de leur mandat. Mais la simplicité affichée cache une querelle de fond. La majorité actuelle, forte de ses 130 députés Pastef sur 165, entend adopter le texte. L’opposition, en revanche, s’élève contre certaines dispositions, notamment l’exemption du président de la République de l’obligation de déclarer son patrimoine à la fin de son mandat.

L’ancien parlementaire libéral Doudou Wade estime que « la Constitution prime sur la loi ordinaire » et que, par conséquent, le chef de l’État n’est pas concerné par ce dispositif. Ce point précis nourrit la polémique : comment prôner la transparence si la plus haute autorité échappe à ce principe ? La question n’est pas que juridique ; elle engage la crédibilité même du projet.

Donner aux citoyens les clés de contrôle

Le dernier chantier concerne l’accès à l’information publique. Loin de se limiter à la publication de rapports, il vise à rendre les données compréhensibles et exploitables pour l’ensemble des citoyens. En d’autres termes, l’objectif n’est pas seulement de mettre en ligne des documents, mais de permettre à chacun de suivre et d’interroger l’action publique avec des outils clairs. C’est une tentative d’armer la population d’un véritable droit de regard, comme si l’on offrait une lampe de poche pour éclairer les zones d’ombre de la gestion publique.

À travers ce train de réformes, le gouvernement veut afficher une volonté ferme : mettre fin à la culture du secret et renforcer la responsabilité des dirigeants. Mais l’efficacité de ce dispositif dépendra de son application concrète et de la capacité des institutions à faire respecter ces nouvelles règles sans exception.

En ouvrant cette session extraordinaire, l’Assemblée nationale se trouve face à un dilemme historique : transformer l’arsenal juridique en un outil de confiance entre gouvernants et gouvernés, ou risquer de voir ces lois rejoindre la longue liste des promesses non tenues. Dans un contexte où la transparence est devenue une exigence sociale et politique, chaque vote aura la valeur d’un test grandeur nature pour la démocratie sénégalaise.

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