Sénégal : Pourquoi un plan de redressement ? (Premier ministre)

Ce matin au Grand Théâtre de Dakar, devant un parterre de ministres, de partenaires techniques et financiers et d’acteurs de la société civile, le Premier ministre Ousmane Sonko lève le voile sur l’ossature du plan national de redressement. Avant d’entrer dans le détail des mesures, il a tenu à rappeler une réalité : « Le président de la République n’a pas choisi la dissimulation. » Cette phrase, lourde de sens, résume une volonté assumée de rompre avec les pratiques du silence sur les déséquilibres macroéconomiques. Elle marque le point de départ d’un exercice de vérité budgétaire, que le chef du gouvernement a voulu lucide, méthodique et frontal.

Des chiffres sans camouflage

Ce que l’État pensait maîtriser est désormais reconnu comme plus préoccupant qu’annoncé. Le déficit budgétaire, officiellement communiqué à un peu plus de 4 %, est aujourd’hui corrigé à 14 %, soit un écart de près de 10 points. Un gouffre financier qui, selon les mots du Premier ministre, “ne peut être ignoré sans conséquences sur l’avenir immédiat du pays”. Quant à la dette publique, elle atteint, selon les nouvelles estimations, 119 % du PIB, bien au-dessus des 74 % jusque-là affichés. Ces écarts ne sont pas anecdotiques : ils traduisent une distorsion entre la communication publique et les engagements réels accumulés sur les marchés financiers et vis-à-vis des partenaires bilatéraux.

Ce réajustement brutal de la comptabilité nationale remet en cause la marge de manœuvre du pays. Il impacte la soutenabilité des politiques sociales, la capacité d’investissement public et la crédibilité vis-à-vis des créanciers internationaux. Dans ce contexte, l’urgence n’est plus une option, mais une obligation politique.

Entre héritage et responsabilité

S’il a reconnu l’héritage difficile, Ousmane Sonko a évité les postures victimaire ou accusatoire. Son propos s’est voulu pragmatique : faire face, sans renier les attentes fortes des Sénégalais en matière d’emploi, de santé, d’éducation et de justice sociale. Il s’agit, selon lui, de ne pas choisir entre vérité comptable et aspirations populaires. Le plan proposé tente de conjuguer rigueur et ambition, sans sacrifier la dynamique de transformation promise durant la campagne présidentielle.

Le Premier ministre entend engager l’État dans une rationalisation des dépenses, en éliminant les gaspillages et en réaffectant les ressources vers des secteurs à impact immédiat. Il a également évoqué la restructuration de la dette, l’amélioration de la gouvernance et la mobilisation d’un financement plus responsable. Mais ce plan n’est pas uniquement un alignement de mesures techniques. Il se veut aussi un engagement moral : celui de gouverner sur la base de chiffres exacts, sans fard.

Une pédagogie de la rigueur assumée

Au-delà des indicateurs économiques, ce moment marque un virage dans la manière de parler aux citoyens. L’exercice de vérité entrepris ce 1er août n’était pas destiné uniquement aux bailleurs internationaux. Il s’adressait d’abord aux Sénégalaises et Sénégalais qu’il faudra convaincre, dans les mois à venir, que la rigueur est compatible avec la justice sociale.

Le gouvernement sait qu’il est attendu au tournant. Il ne pourra durablement imposer des efforts à la population que si l’exemplarité commence au sommet. C’est dans cette logique que le plan de redressement ne se limite pas à une revue budgétaire, mais inclut une remise à plat de la gouvernance publique, une redéfinition des priorités et un recentrage sur les urgences vitales.

À travers cette présentation sobre mais déterminée, Ousmane Sonko a cherché à poser les bases d’un nouveau contrat entre le pouvoir et la nation. Reste à savoir si cette démarche de clarté trouvera un écho suffisant pour soutenir, dans la durée, un plan aussi ambitieux que contraint.

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